vendredi 26 septembre 2008

esclave, le temps


Avant je me taisais. Je ne disais rien quand on enviait ma situation professionnelle. Quelle liberté ! Que j'aimerais faire comme toi ! Travailler de chez moi, fixer mes propres horaires, partir quand bon me semble... Maintenant j'ose le dire : c'est plus que difficile de n'avoir d'autre maître à détester que soi-même. Les humains deviennent des entités abstraites qui tournent comme les ailes du moulin en se renvoyant une balle invisible (comme à la fin de Blow up)

Ma situation, c'est certain, m'a donné les plus grandes joies. Par un après-midi estival, marcher dans Paris avec un ami, jouir des changements de lumière sur le parvis en sirotant un verre de n'importe quoi, chercher la beauté secrète des films, des tableaux, faire l'amour, écrire et lire des mots doux - se les répéter. Le regard ainsi libéré se fait caresse. Cet état d'abandon fut inégalable, car le bonheur a rarement conscience d'être bonheur ; et celui-ci était tout à la fois, le bonheur et son intelligence. Un instant suspendu qui durait, en somme. Cela devrait être interdit : c'est injuste d'avoir été si heureux...

A cet instant, pourtant, je vois bien que ma liberté est une fenêtre ouverte sur la plus grande des prisons, un esclavage souterrain et séduisant loin d'un bureau kafkaïen. Comment leur dire que ma liberté est un champ, que derrière le champ, il y a une forêt, qui cache un autre champ, qui cache une autre forêt, qui cache... Parfois j'ai tout de même envie de courir, de précipiter ma chute pour être vraiment perdu. Ailleurs. Loin. Pour voir - comme dirait un joueur de poker.

Mais voir quoi au juste ? Si dans un autre champ très loin, je ne pourrais pas, par hasard, être un peu meilleur et m'aimer un peu mieux ?

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