lundi 17 décembre 2007

désordres


Je suis une des seules personnes parmi mes connaissances (si j'ose dire) a ne pas être sous antidépresseurs et à ne pas avoir de psy. Pour les médicaments, je n'en suis pas encore là puisque je vis très bien mes jours mélancoliques - cela ne m'empêche pas d'agir. Quant au psy, ce blog en tient lieu - si j'y vais, il cessera, c'est évident. D'un autre côté, j'aurais du mal à ne pas cacher mon plaisir à raconter ma vie sexuelle et un bon psy mettrait immédiatement fin à ma thérapie - et je mépriserais un mauvais. J'ai besoin du récit. J'ai besoin d'ordre aussi. Et là je ne m'en sens pas du tout ordonné.

A. dort chez moi, sans moi, depuis plusieurs jours, et m'a dit ce matin, après m'avoir embrassé et avant de partir : c'est drôle, on dirait des amoureux. Nous jouons, il le sait, je le sais, mais je n'avais peut-être pas envie qu'il dénigre ainsi la part de vérité tapie dans le jeu.

Voilà six mois que je suis attiré par un stagiaire que je me suis interdit de draguer (il fait mes fiches de paie !). Son regard torve et intelligent, sa démarche sensuelle, son postérieur bombé, ses épaules solides, sa voix mielleuse... Il part dans quelques semaines pour les Etats-Unis et je veux tenter une opération désespérée avant de le laisser se volatiliser.

O., mon sublime amant catalan, est à Paris, mais je ne peux pas coucher avec lui puisque A. n'a plus de toit et qu'il dort chez moi (je suis sûr que ça ne gênerait pas A. mais bon je suis encore entier dans ma polygamie). Il faut donc que j'explique à O qui se faisait un plaisir de profiter de mon lit que je veux le voir mais pas comme ça.

Et ma tentation hétérosexuelle monte de plus en plus.

Et j'aimerais tant être fidèle à Y.

Non, vraiment, il faut mettre de l'ordre dans tout ça.

jeudi 13 décembre 2007

l'éternel retour


J'attends un appel de A. qui ne vient pas. C'est terrible l'attente, elle fait imaginer de petites fictions. Je me languis de lui, j'imagine les mots d'amour que je n'ai jamais encore prononcés, ceux que j'inventerais pour lui, s'il était là. Mais il n'est pas là. Alors j'attends, et j'envoie un message à l'un, un message à l'autre : qui sait, une nécessité extérieure me sauvera-elle, peut-être ?

Le vide d'un grand travail achevé me laisse, comme à chaque fois, démuni. C'est toujours dans ces moments-là que je souffre le plus, et rencontrer quelqu'un est alors un danger. J'attends. J'attends trop et trop vite. Je veux que ça brûle, que nous échangions des messages lyriques et nos corps amoureux. A. a passé trois jours chez moi. Nous avons beaucoup parlé, beaucoup fait l'amour : pourquoi ne voudrait-il pas revenir vers moi ? Il me l'aurait dit, je l'aurais senti. Bien sûr, il a peur des relations, mais il sait aussi que je ne suis pas seul, et cela le protège.

Hier, j'ai attendu son message toute la journée. A quinze heures, n'en pouvant plus, je me suis couché au bord des larmes. La fatigue et l'incertitude me sont fatales. Comme je ne veux pas tout gâcher, je ne le noie pas sous les messages, attends toujours que cela vienne de lui. Mais là, non, j'ai fait la bêtise de lui envoyer un message, alors j'attends.

Et je pense.

Je pense à la première fois que nous nous sommes vus, à mon anniversaire. Je pense à ce qu'il a dit à notre ami commun qu'il avait accompagné - qu'il me trouvait très mignon - et cela me rassure - je lui ai plu, je dois lui plaire encore. Je pense aux semaines qui ont suivi, à la joie que nous avons eue de nous revoir, dans ce bar familier. Je pense à ce baiser fougueux au milieu du bar, sous les yeux de spectateurs médusés, à ce verre que j'ai fait tombé en l'embrassant trop fort, qui s'est brisé au sol, à la première nuit quand je pouvais terminer ses phrases, aux points de suspension, à la douceur de sa voix, je pense à sa voix encore, j'aimerais lui laisser un message pour l'entendre, mais non, je pense à son corps, trop maigre, au désir que j'ai encore dans ma chair de le toucher, de le caresser, de le faire jouir. Je pense à tout cela, mais je devrais dire : malgré moi, car ce sont des pensées qui sont en moi, en lutte, et non moi qui pense. Je brûle. Et je n'attends qu'une seule chose : qu'il soit là pour me regarder brûler pour lui...

mercredi 5 décembre 2007

cauchemars


Il ne me reste que des bribes, des bribes et du noir.

Voilà trois jours que je dors mal. Mon dos souffre, se cale dans un trou, au coin d'une bosse, et puis je ferme les yeux. Je vois des lieux sombres. Mais je ne dors pas vraiment. Je suis éveillé. Je vois du noir encore. Je sens des corps humides et sales. Sexuels. Alors je me réveille à nouveau, à moitié, et je jouis. La chaleur étouffante de la chambre close, le bruit d'une goutte qui n'en finit pas de tomber dans la cuisine, je me tourne et je jouis. Face au vide du plafond. Je dors peut-être un peu, humide, et l'enfer recommence, je me réveille, et je jouis encore - comme toutes les heures de toutes les nuits. Sans doute sont à blâmer une lecture forcée - une sombre histoire de viol - et la trop grande liberté que me donne un lourd travail enfin achevé, un certain laisser-aller qui me voit passer beaucoup trop de temps à feuilleter les fantasmes et les corps de garçons inconnus - virtuellement du moins. Mon empathie, si souvent flattée, est aussi une prison, un lit sans fond dans lequel je me perds : trop obscurs garçons aux fantasmes malades, trop tristes heures, chair rance, regards torves, lumière sale, et ce bruit, ce silence pesant comme avant le vomissement.

La noirceur de ces fantasmes a si peu à voir avec mes espoirs éveillés. Il est 17h, c'est déjà la nuit, et je ne rêve que d'une chose, d'un regard, celui d'un garçon inconnu par exemple, un garçon qui m'aime et me comprend. Un regard doux comme des paupières qui se ferment.

lundi 3 décembre 2007

la nuit qui ne m'appartenait plus


Rencontrer quelqu'un, c'est toujours dans un lieu et un temps donnés. Ainsi je préfère voir certains amis en été, d'autres en hiver, certains chez moi, d'autres dans les bars. Il y aurait quelque chose d'incongru et de déplacé à voir untel ici plutôt que là... Et puis il y a les amours. Aimer quelqu'un dans une bulle close sur elle-même loin de tout, combien cela est facile. L'aimer partout et en tout temps demande un peu plus d'abnégation.

C'est ainsi que Ben, mon amant australien, est venu chez moi passer quelques jours. Il y a dans sa présence outrancière quelque chose qui violente infiniment mes habitudes de garçon rangé. Je déteste ça, j'adore ça. Il est souvent maladroit, parfois sale, et toujours d'une tendresse un peu étouffante - P. le compare très justement à un gros chien. Quand nous sommes sortis du cinéma ce jour-là, il m'en voulait déjà parce qu'il savait que j'avais aimé "le plus mauvais film du monde" selon lui. C'était faux, je ne l'avais pas aimé, ce film, mais devant son insistance un peu puérile à dire que Wong Kar-wai n'était pas un artiste ("In Australia, he's like a François Ozon"), et aussi parce qu'il avait soupiré très fort pendant le film (extraits de la dispute qui s'ensuivit : "Le cinéma pour moi, c'est comme aller à l'église, la lumière s'éteint et on regarde l'écran blanc : c'est sacré", "Yes but it was the biggest shit I have ever seen, nobody can like it" "Toute la salle n'a pas forcément envie d'avoir tes commentaires, ils viennent pour le film pas pour toi"), devant son insistance donc, je n'ai pas nié et l'ai laissé croire que oui, je l'avais aimé, puis j'ai choisi de dévier la conversation pour ne pas avoir à me justifier face à quelqu'un qui, à ce moment-là, fuyait toute dialectique. Il a naturellement baissé son visage (la position autruche à laquelle je sais désormais ne plus répondre). Et puis nous sommes allés boire des verres avec P. et nous n'avons plus parlé de My Blueberry nights. J'étais juste un peu triste parce que WKW s'était perdu aux Etats-Unis et que je ne pouvais en parler à personne.

Notre relation avait changé quelques jours plus tôt. Tout s'était cristallisé autour du sexe. La première soirée, nous avions fait l'amour deux fois, enfin faire l'amour, c'est vite dit et voilà bien le problème : en me regardant, en me touchant, il m'aimait, mais dès que nos sexes étaient découverts, je n'étais plus qu'une chair triste entre ses mains. Le prendre, me faisait mal. Me faire prendre, me faisait mal. Tout était douleur. Plus tard, il s'est couché et j'ai regardé ses mails laissés ouverts sur mon ordinateur. Il y avait quelques messages pornographiques sur un site de choix. Mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai tout lu, tout effacé et suis allé me coucher le plus loin possible de son corps souillé. Ses gestes de tendresse me répugnaient, ses mots mielleux, ses baisers salés, tout... Je n'ai pas dormi cette nuit-là. Au réveil, je lui ai tout avoué, ainsi que nous ne coucherions plus jamais ensemble, qu'il m'avait "baisé", trahi, sali, et qu'après ses plus de 1000 amants, ses expériences dans la drogue, il était incapable d'aimer quelqu'un sexuellement - j'en avais encore mal aux entrailles. Il a beaucoup pleuré, il s'est excusé profondément, a supprimé son profil sur le site en question et a fait un voeu de chasteté - car il ne fait jamais les choses à moitié. Peu à peu, je me suis laissé reconquérir, et nous nous sommes embrassés bien des fois durant les jours qui ont suivi. Il a répété des serments d'amour, un amour redevenu pur et neuf, où le désir était présent, mais sa réalisation absente. Ironiquement, nous étions revenus à l'état des personnages de Wong Kar-wai, à se désirer de loin, et à s'aimer dans des circonvolutions tel le partage de la nourriture. S'il avait été capable d'écouter après le film, voilà ce que je lui aurais dit : même un mauvais film de Wong Kar-wai me touche davantage qu'un film plutôt correct de tous ces réalisateurs interchangeables qui tombent toutes les semaines sur les écrans... Heureusement, cette semaine-là, il y avait aussi le film de James Gray, comme pour me consoler. Il portait le doux titre de La Nuit nous appartient.