lundi 17 décembre 2007

désordres


Je suis une des seules personnes parmi mes connaissances (si j'ose dire) a ne pas être sous antidépresseurs et à ne pas avoir de psy. Pour les médicaments, je n'en suis pas encore là puisque je vis très bien mes jours mélancoliques - cela ne m'empêche pas d'agir. Quant au psy, ce blog en tient lieu - si j'y vais, il cessera, c'est évident. D'un autre côté, j'aurais du mal à ne pas cacher mon plaisir à raconter ma vie sexuelle et un bon psy mettrait immédiatement fin à ma thérapie - et je mépriserais un mauvais. J'ai besoin du récit. J'ai besoin d'ordre aussi. Et là je ne m'en sens pas du tout ordonné.

A. dort chez moi, sans moi, depuis plusieurs jours, et m'a dit ce matin, après m'avoir embrassé et avant de partir : c'est drôle, on dirait des amoureux. Nous jouons, il le sait, je le sais, mais je n'avais peut-être pas envie qu'il dénigre ainsi la part de vérité tapie dans le jeu.

Voilà six mois que je suis attiré par un stagiaire que je me suis interdit de draguer (il fait mes fiches de paie !). Son regard torve et intelligent, sa démarche sensuelle, son postérieur bombé, ses épaules solides, sa voix mielleuse... Il part dans quelques semaines pour les Etats-Unis et je veux tenter une opération désespérée avant de le laisser se volatiliser.

O., mon sublime amant catalan, est à Paris, mais je ne peux pas coucher avec lui puisque A. n'a plus de toit et qu'il dort chez moi (je suis sûr que ça ne gênerait pas A. mais bon je suis encore entier dans ma polygamie). Il faut donc que j'explique à O qui se faisait un plaisir de profiter de mon lit que je veux le voir mais pas comme ça.

Et ma tentation hétérosexuelle monte de plus en plus.

Et j'aimerais tant être fidèle à Y.

Non, vraiment, il faut mettre de l'ordre dans tout ça.

jeudi 13 décembre 2007

l'éternel retour


J'attends un appel de A. qui ne vient pas. C'est terrible l'attente, elle fait imaginer de petites fictions. Je me languis de lui, j'imagine les mots d'amour que je n'ai jamais encore prononcés, ceux que j'inventerais pour lui, s'il était là. Mais il n'est pas là. Alors j'attends, et j'envoie un message à l'un, un message à l'autre : qui sait, une nécessité extérieure me sauvera-elle, peut-être ?

Le vide d'un grand travail achevé me laisse, comme à chaque fois, démuni. C'est toujours dans ces moments-là que je souffre le plus, et rencontrer quelqu'un est alors un danger. J'attends. J'attends trop et trop vite. Je veux que ça brûle, que nous échangions des messages lyriques et nos corps amoureux. A. a passé trois jours chez moi. Nous avons beaucoup parlé, beaucoup fait l'amour : pourquoi ne voudrait-il pas revenir vers moi ? Il me l'aurait dit, je l'aurais senti. Bien sûr, il a peur des relations, mais il sait aussi que je ne suis pas seul, et cela le protège.

Hier, j'ai attendu son message toute la journée. A quinze heures, n'en pouvant plus, je me suis couché au bord des larmes. La fatigue et l'incertitude me sont fatales. Comme je ne veux pas tout gâcher, je ne le noie pas sous les messages, attends toujours que cela vienne de lui. Mais là, non, j'ai fait la bêtise de lui envoyer un message, alors j'attends.

Et je pense.

Je pense à la première fois que nous nous sommes vus, à mon anniversaire. Je pense à ce qu'il a dit à notre ami commun qu'il avait accompagné - qu'il me trouvait très mignon - et cela me rassure - je lui ai plu, je dois lui plaire encore. Je pense aux semaines qui ont suivi, à la joie que nous avons eue de nous revoir, dans ce bar familier. Je pense à ce baiser fougueux au milieu du bar, sous les yeux de spectateurs médusés, à ce verre que j'ai fait tombé en l'embrassant trop fort, qui s'est brisé au sol, à la première nuit quand je pouvais terminer ses phrases, aux points de suspension, à la douceur de sa voix, je pense à sa voix encore, j'aimerais lui laisser un message pour l'entendre, mais non, je pense à son corps, trop maigre, au désir que j'ai encore dans ma chair de le toucher, de le caresser, de le faire jouir. Je pense à tout cela, mais je devrais dire : malgré moi, car ce sont des pensées qui sont en moi, en lutte, et non moi qui pense. Je brûle. Et je n'attends qu'une seule chose : qu'il soit là pour me regarder brûler pour lui...

mercredi 5 décembre 2007

cauchemars


Il ne me reste que des bribes, des bribes et du noir.

Voilà trois jours que je dors mal. Mon dos souffre, se cale dans un trou, au coin d'une bosse, et puis je ferme les yeux. Je vois des lieux sombres. Mais je ne dors pas vraiment. Je suis éveillé. Je vois du noir encore. Je sens des corps humides et sales. Sexuels. Alors je me réveille à nouveau, à moitié, et je jouis. La chaleur étouffante de la chambre close, le bruit d'une goutte qui n'en finit pas de tomber dans la cuisine, je me tourne et je jouis. Face au vide du plafond. Je dors peut-être un peu, humide, et l'enfer recommence, je me réveille, et je jouis encore - comme toutes les heures de toutes les nuits. Sans doute sont à blâmer une lecture forcée - une sombre histoire de viol - et la trop grande liberté que me donne un lourd travail enfin achevé, un certain laisser-aller qui me voit passer beaucoup trop de temps à feuilleter les fantasmes et les corps de garçons inconnus - virtuellement du moins. Mon empathie, si souvent flattée, est aussi une prison, un lit sans fond dans lequel je me perds : trop obscurs garçons aux fantasmes malades, trop tristes heures, chair rance, regards torves, lumière sale, et ce bruit, ce silence pesant comme avant le vomissement.

La noirceur de ces fantasmes a si peu à voir avec mes espoirs éveillés. Il est 17h, c'est déjà la nuit, et je ne rêve que d'une chose, d'un regard, celui d'un garçon inconnu par exemple, un garçon qui m'aime et me comprend. Un regard doux comme des paupières qui se ferment.

lundi 3 décembre 2007

la nuit qui ne m'appartenait plus


Rencontrer quelqu'un, c'est toujours dans un lieu et un temps donnés. Ainsi je préfère voir certains amis en été, d'autres en hiver, certains chez moi, d'autres dans les bars. Il y aurait quelque chose d'incongru et de déplacé à voir untel ici plutôt que là... Et puis il y a les amours. Aimer quelqu'un dans une bulle close sur elle-même loin de tout, combien cela est facile. L'aimer partout et en tout temps demande un peu plus d'abnégation.

C'est ainsi que Ben, mon amant australien, est venu chez moi passer quelques jours. Il y a dans sa présence outrancière quelque chose qui violente infiniment mes habitudes de garçon rangé. Je déteste ça, j'adore ça. Il est souvent maladroit, parfois sale, et toujours d'une tendresse un peu étouffante - P. le compare très justement à un gros chien. Quand nous sommes sortis du cinéma ce jour-là, il m'en voulait déjà parce qu'il savait que j'avais aimé "le plus mauvais film du monde" selon lui. C'était faux, je ne l'avais pas aimé, ce film, mais devant son insistance un peu puérile à dire que Wong Kar-wai n'était pas un artiste ("In Australia, he's like a François Ozon"), et aussi parce qu'il avait soupiré très fort pendant le film (extraits de la dispute qui s'ensuivit : "Le cinéma pour moi, c'est comme aller à l'église, la lumière s'éteint et on regarde l'écran blanc : c'est sacré", "Yes but it was the biggest shit I have ever seen, nobody can like it" "Toute la salle n'a pas forcément envie d'avoir tes commentaires, ils viennent pour le film pas pour toi"), devant son insistance donc, je n'ai pas nié et l'ai laissé croire que oui, je l'avais aimé, puis j'ai choisi de dévier la conversation pour ne pas avoir à me justifier face à quelqu'un qui, à ce moment-là, fuyait toute dialectique. Il a naturellement baissé son visage (la position autruche à laquelle je sais désormais ne plus répondre). Et puis nous sommes allés boire des verres avec P. et nous n'avons plus parlé de My Blueberry nights. J'étais juste un peu triste parce que WKW s'était perdu aux Etats-Unis et que je ne pouvais en parler à personne.

Notre relation avait changé quelques jours plus tôt. Tout s'était cristallisé autour du sexe. La première soirée, nous avions fait l'amour deux fois, enfin faire l'amour, c'est vite dit et voilà bien le problème : en me regardant, en me touchant, il m'aimait, mais dès que nos sexes étaient découverts, je n'étais plus qu'une chair triste entre ses mains. Le prendre, me faisait mal. Me faire prendre, me faisait mal. Tout était douleur. Plus tard, il s'est couché et j'ai regardé ses mails laissés ouverts sur mon ordinateur. Il y avait quelques messages pornographiques sur un site de choix. Mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai tout lu, tout effacé et suis allé me coucher le plus loin possible de son corps souillé. Ses gestes de tendresse me répugnaient, ses mots mielleux, ses baisers salés, tout... Je n'ai pas dormi cette nuit-là. Au réveil, je lui ai tout avoué, ainsi que nous ne coucherions plus jamais ensemble, qu'il m'avait "baisé", trahi, sali, et qu'après ses plus de 1000 amants, ses expériences dans la drogue, il était incapable d'aimer quelqu'un sexuellement - j'en avais encore mal aux entrailles. Il a beaucoup pleuré, il s'est excusé profondément, a supprimé son profil sur le site en question et a fait un voeu de chasteté - car il ne fait jamais les choses à moitié. Peu à peu, je me suis laissé reconquérir, et nous nous sommes embrassés bien des fois durant les jours qui ont suivi. Il a répété des serments d'amour, un amour redevenu pur et neuf, où le désir était présent, mais sa réalisation absente. Ironiquement, nous étions revenus à l'état des personnages de Wong Kar-wai, à se désirer de loin, et à s'aimer dans des circonvolutions tel le partage de la nourriture. S'il avait été capable d'écouter après le film, voilà ce que je lui aurais dit : même un mauvais film de Wong Kar-wai me touche davantage qu'un film plutôt correct de tous ces réalisateurs interchangeables qui tombent toutes les semaines sur les écrans... Heureusement, cette semaine-là, il y avait aussi le film de James Gray, comme pour me consoler. Il portait le doux titre de La Nuit nous appartient.

jeudi 22 novembre 2007

l'inchangé


Cette nuit, j'ai rêvé qu'il n'y avait personne à mon anniversaire.

Les années passent et je suis toujours ce petit garçon qui compte le nombre de personnes qui pensent à lui en ce jour inutile, et qui espère que chaque année il y ait les mêmes, et qu'il y en ait davantage. Je compte les absents - à l'autre bout du monde, disparus - et je m'aperçois que ma vie est pleine de trous et que j'aime cet appel d'air, cette attente, ces possibles, ces en-devenir... Et puis il y a ceux qui sont là, les fidèles, et j'ai la soudaine impression que j'ai trois, quatre... dix jambes, que chacun, à sa manière bien à lui, me tient debout, et je me sens solide de ces amours-là. Est-ce cela devenir un homme, être assez solide pour toujours tenir debout ?

lundi 19 novembre 2007

l'homosexualité n'est pas toujours un sport de combat


Il m'arrive si souvent d'avoir l'impression d'être à la fois acteur et spectateur. Comme dans un rêve en somme, sauf que c'est ma vie et que je me vois d'en haut - exactement comme Tim Roth dédoublé dans le nouveau film de Coppola (Youth without youth)... Je vis des expériences que je qualifierai de sociologiques avec une distance étrange. Je me suis toujours senti loin d'une certaine idée militante de l'homosexualité, parce que chaque pierre sur le chemin a été recouverte de mousse, rendue trop glissante, oubliable, friable, pour que je puisse un instant me sentir un homosexuel parmi une entité plutôt que moi-même vivant une expérience émotionnelle.

La première expérience où j'ai eu néanmoins l'impression de gagner mes gallons dans une sociologie de l'homosexualité, c'est ma première nuit d'amour. Ce fut un rendez-vous manqué avec la sociologie, pas avec l'amour. On dit souvent que la première fois lance la vie sentimentale sur des rails, et qu'elle identifie ce que sera majoritairement la façon d'aimer de quelqu'un. Le garçon en question, 19 ans comme moi, était mon meilleur ami, mon premier amour et j'étais son premier amour, son meilleur ami. Au réveil, timoré, il me dit : "Cela ne veut pas dire que nous sommes homosexuels". Dans ma tête, je riais, j'étais si heureux, et je lui ai répondu fièrement : "Parle pour toi". Cette joie de l'amour et du sexe ne m'a pas quitté et m'a ôté toute culpabilité.

La seconde expérience sociologique ne fut pas davantage un drame. Ce fut mon "coming-out" à mon petit frère. Il y avait quelque chose de violent dans l'idée de lui dire que son grand frère, celui qu'il chérissait, était homosexuel. J'ai donc attendu, par peur sans doute, par pudeur aussi, qu'il ait une copine, qu'il ait 18 ans, qu'il soit libre. Début juillet, nous deux seuls au milieu d'une plage grise, face à la mer infinie... Je me suis vu assez nettement me regarder vivre cette scène, d'en haut encore, et avec une certaine jubilation : vas-y, fais-le, dis-lui, me disais-je à moi-même... Et je souriais en me disant : Tu es en train de vivre une vraie expérience sociologique, un truc qui a un nom, une couleur, une dramaturgie - le coming-out. Sauf que non, il n'y avait pas vraiment de dramaturgie, juste un coup d'épée dans l'eau : il s'en doutait, et s'en foutait. Il a dû être tout de même flatté d'avoir la primeur de la révélation - qui prit donc plutôt l'apparence d'une non-révélation.

La troisième expérience date d'il y a une semaine. Là encore, je me suis détaché de moi-même et me suis vu petit, comme parmi une masse en train de vivre "l'Expérience". Ce fut le coming-out aux parents. Il y 11 ans, lors des dernières vacances avec ma famille, ma mère a lâché une phrase qui m'a hanté des nuits entières : "Il n'y a rien de pire que d'avoir un fils prêtre à part avoir un fils homosexuel". J'étais encore peu sûr de moi (et vierge) alors, mais cette phrase me glaça le sang et me fit toujours redouté l'instant fatal où il faudrait : dire. J'ai joui pendant près de 10 ans d'une sorte de double vie qui me convenait un peu trop bien. Jusqu'à ce dimanche, réunion familiale oblige, où ma mère m'a enfermé dans sa chambre pour se rapprocher tout près et me dire : "J'ai dit une phrase horrible il y a quelques années (et de me citer la fameuse phrase), je l'ai immédiatement regrettée, ton père m'a même engueulé plus tard, et c'est peut-être cette phrase qui t'empêche aujourd'hui de faire ton coming-out". Ce mot m'écorcha les oreilles. Venir de sa bouche, de la bouche de ma propre mère, ma mère adorée et haïe. C'était au fond l'invitation que j'attendais depuis des années. Je ne me fis pas prier. Le moi sociologue qui me regardait d'en haut était en train de ricaner de l'ironie de la situation : de coming-out, il n'y en eut pas, il me fut, une fois encore, volé... Même pas une larme, tout juste un discret mouvement de bras de mon père sur mon épaule, mon père qui était derrière et qui écoutait sans rien dire. Plus tard, je pus tout juste lire à table une mélancolie nouvelle dans son regard, des silences, une absence. Plus tard encore, je voulus jouer une vraie révélation dans la voiture avec mon autre frère. Je me dédoublai de l'autre côté du pare-brise pour contempler sa réaction : il avait "acheté" l'information à notre petit frère il y a deux ans déjà, ayant de fort doutes. Bon.

Le petit ange sarcastique riait bien en me voyant sur le quai en route vers chez moi, inchangé après des années de silence angoissé. Il n'y avait plus de secret, plus de jeu à jouer. Et il pouvait partir rejoindre le néant, fier d'avoir été aussi inutile. Pour mon anniversaire, j'ai tout de même demandé à ma mère, un rideau. Rouge, bien sûr.

lundi 5 novembre 2007

le recul du monde


Cette chose étrange parfois de vivre la vie là où elle est comme la seule possible.

Il y a deux semaines, j'avais secrètement peur de partir si longtemps, certes pas si loin du petit monde parisien que j'ai pierre à pierre bâti, mais tout de même ailleurs, isolé, comme en exergue. Peu à peu, le téléphone s'est éteint, le rythme automnal des jours au bord de la seine a teinté mes journées d'une mélancolie nouvelle, et j'ai oublié la vie d'avant avec une facilité déconcertante. Ce lieu, ce temps est devenu ma vie... Peut-être est-ce dû à une rencontre en particulier, car s'il y a l'ensemble des rencontres d'une vie, il y en a quelques unes à part, impossibles, innommables qui nous enlèvent à la vie elle-même. Oui, c'est cela, pendant deux semaines, j'ai été enlevé.

J'entre dans cette grande pièce boisée. Il y a un jeune homme qui me salue dans une langue étrangère. Il est australien. Il est grand, blond, presque chauve, les yeux bleus, il a 30 ans, et il me sourit. Je m'attendais à rencontrer quelqu'un d'autre, mais c'est lui qui est là. Les mots sortent de ma bouche et, à ma grande surprise, pour la première fois peut-être, mon anglais hésitant forme des phrases, de vraies phrases tel que j'aurais pu les penser en français. Il me propose très vite de faire le tour de la propriété. C'est très gentil de sa part, voilà ce que je me dis. Je me dis aussi que je ne vais pas m'ennuyer, que les gens ont l'air particulièrement gentil dans ce no man's land dédié à compter les jours qui passent. Nous nous retrouvons dans une chambre de verre au beau milieu de la forêt. Il me regarde. Son regard me brûle, me tue et me ressuscite en un battement. Pour la première fois, je pense que je lui plais et que sa gentillesse n'est pas tout à fait (et si j'ose dire) gratuite. Et puis, le vrai regard, celui qu'on rend : je le regarde dans les yeux et le temps s'arrête. Nous reproduirons bien des fois ce regard droit, frontal, à la dramaturgie parfaite : au début nous sourions, nous nous disons avec les yeux à quel point nous voulons nous embrasser, et puis nous essayons de percer l'âme de l'autre, et la sensation est si forte et si partagée que nous sommes au bord de pleurer, tous les deux, en même temps, et enfin vient mon moment préféré, celui où nous n'avons peur de rien, où nous ravalons nos larmes en souriant, en fixant l'autre fièrement comme pour lui dire : regarde la force de mon amour.

Dans la pièce même où nous nous sommes rencontrés, il m'écrira des messages. Chacun est devant le mur de son ordinateur, nous faisons en sorte de ne pas nous regarder, je ne suis pourtant qu'à deux mètres de lui, des ombres passent, nous échangeons des mots au bord d'être érotiques pendant des heures, et je dois cacher les effets d'une sensualité qui n'en finit pas de s'ébaucher, la rougeur sur mon front, un frémissement de mes lèvres, un sourire trop transparent qui veut s'échapper et que je retiens... Ainsi côte à côte, nous reportons sans cesse le moment du premier baiser. Il doit arriver, ce moment, nous le savons bien, et nous prenons un malin plaisir à faire durer cette attente toute la journée. C'est dans la cuisine, au moment de mettre le plat au four, qu'il s'approchera de moi après s'être cogné la tête (il est vraiment grand), et que nous nous embrasserons.

Combien peut durer le temps d'un baiser ? Il me semble que ce baiser a duré deux semaines. Aujourd'hui, envolées les deux semaines, mes lèvres sont sèches. Ce n'est pas rien pourtant deux semaines. C'est ce que je me répète, on ne peut pas se tromper deux semaines. Deux jours, oui, on peut aimer quelqu'un par erreur pendant deux jours, mais pas pendant deux semaines...

Définitivement, il n'est pas du tout mon genre : je n'aime particulièrement ni les cheveux blonds, ni les yeux bleus, ni les gens trop grands... Son corps maladroit le rend comique. Il rit trop fort. Il sent trop fort. Alors, quoi, je ne sais pas... Ce qui peut nous attirer vers quelqu'un, et qui nous dépasse... Peut-être est-ce son léger strabisme, car c'est quand il me regarde de face que je deviens fou, complètement fou.

Curieusement, je me suis détaché de l'idée même d'avoir des amants de retour à Paris. Par une sorte de fidélité absurde, donc belle. Curieusement, car l'amour physique n'était pas si important. Il y a certains jours où nos corps ne se sont pas rencontrés, ou tout juste effleurés - nous nous retrouvions au fond de la cabane, dans une chambre la nuit, nous prenions plaisir à recommencer des actes sexuels que nous ne finissions pas toujours. L'embrasser plutôt que jouir. Le sentir plutôt que le prendre. Pendant ces deux semaines, troublé par cette relation, lui qui n'est plus habitué à aimer, il ne bandait pas. Il était excité, il me faisait jouir - mais seul. Après quelques jours, peu à peu, je sentais son sexe renaitre dans ma main, dans ma bouche, mais il ne jouissait toujours pas. Peut-être était-ce l'ordinateur sur ses genoux, le fait d'être loin de chez lui, ou cette relation qui le dépassait visiblement... Ce long (ré)apprentissage du plaisir mit exactement deux semaines : c'est le dernier jour, avant mon départ, qu'il a joui pour la première fois, sexe contre sexe. J'aime à voir dans cette image dont on me pardonnera la crudité un passage de force vitale. Au moment de partir, j'avais réussi à faire de lui un amoureux et un amant. Il était lui-même, puissant et prêt à affronter mon absence. Juste avant mon départ, nous nous sommes retrouvés dans une chambre vide, juste pour nous regarder et nous serrer. Nous avons décidé de ne pas pleurer. Après tout, dans une semaine, nous nous retrouverions pour quelques jours volés au temps qui passe...

De retour dans les bras de mon mari, je suis surpris que cet amour neuf n'ait pas entravé ma passion officielle. Au contraire, je suis comme un mur, un mur fissuré en deux. Un jour, il faudra peut-être que je choisisse, partir ailleurs avec l'un, rester ici avec l'autre. Pour l'instant, les deux parties du mur se soutiennent... Je sens la vie qui coule dans mes veines et je pourrais en mourir de vouloir gouter l'éternité et avec l'un et avec l'autre. Mais pour l'instant je vais atrocement bien... être avec l'un, attendre l'autre, tout me rend heureux...

En attendant que je m'effrite ?

samedi 27 octobre 2007

trop de bonheur ?


Au beau milieu du vert de la Normandie, entouré d'inconnus internationaux, j'avais tout pour m'ennuyer. Et pourtant, j'ai recréé un paradis, une île. De là, cette question que je me pose parfois, à la fois vaine et essentielle : qu'est-ce que j'ai fait pour mériter tant de bonheur ? Heureusement pour moi, nulle justice, je ne devrai pas payer cette vie belle et inutile d'amour, de cinéma, de joie...

dimanche 21 octobre 2007

nouveau départ


C'est sans douleur particulière mais avec une légère appréhension que je pars deux semaines travailler en Normandie, dans un endroit visiblement reculé, où l'introspection sera mon seul voyage.

Les derniers jours ont été marqués par un regain d'amour marital. Cela faisait longtemps que tant d'amour ne nous avait pas traversés. Entre son absence et la mienne, une semaine ensemble à New York aura tenu lieu d'écrin à cette cristallisation magistrale. Notre légèreté commune aurait pu nous mener au bout du monde. Et en un sens, elle l'a fait. Silence pudique.

Je me souviens aussi du beau noir et blanc charbonneux de Control, expérience doublement étrange puisque film vu avec M. qui cache de moins en moins son amour hystérique pour moi. De temps en temps, il détournait son visage de l'écran pour me regarder de ses yeux fous. Sur l'écran, un homme (connu, mais peu importe) hésite entre deux femmes, l'une qui lui dit qu'elle l'aime, l'autre qu'elle a peur de tomber amoureuse, et la musique, comme sortie des profondeurs, de Joy Division. Il voulait peut-être me demander de choisir. Mais j'aime le noir parce qu'il y a le blanc et vice versa. Alors je lui ai souri, ému, à la fin du film. J'avais envie de lui donner toute ma tendresse, de boire sa folie, d'apaiser ses peurs, et puis je me suis retenu pour ne pas qu'il tombe encore plus... Je l'ai regardé partir silencieux sans savoir s'il me pardonnerait de lui avoir un peu trop donné, sans savoir si je le reverrai. Silence pudique.

vendredi 12 octobre 2007

le déversement


Hier, je suis retourné chez Moustache, un restaurant libanais dans lequel je dîne à chaque fois que je reviens à New York. Aujourd'hui, j'ai visité le Musée de Brooklyn pour constater que les Rodin avaient changé de place mais que je me souvenais très bien de la peinture européenne du troisième étage. Même le Met où je suis allé me perdre une journée entière mardi n'a plus de secret, je sais où se situe telle ridule ou telle veine sous l'oeil d'un Rembrandt, où se reflète telle lumière sur un Vermeer. Et puis j'ai marché, j'ai reparcouru Canal Street, j'ai remonté Christopher Street du Village à Chelsea, j'ai rejoué à errer sans but dans Central Park, j'ai repris parfois les mêmes photographies, celles qui sont devenues mes souvenirs, dans l'espoir de peut-être y dénicher, plus tard, après une comparaison approfondie, une infime différence. Non, New York n'a pas changé, et si l'émerveillement niais des premières fois s'est peu à peu et presque totalement absenté de mon regard je peux dire qu'à présent je l'aime d'un amour adulte. Je sens le sang battre dans ses artères, la chaleur de son cocon. Je m'y sens en sécurité, à la fois familier et étranger - donc doublement protégé.

Tout à l'heure, j'ai refait l'amour avec un ancien amant, un très ancien amant, un de mes tous premiers. La première fois que nous avons fait l'amour, c'était à Paris, il y a quatre ans, tout était gracieux et évident. Dans le peu de temps que nous avions, il a fallu brûler et je garde de cette après-midi de canicule un souvenir particulier. Ce n'est pas la première fois que j'éprouvais du plaisir, non, mais c'est la première fois que j'éprouvais un plaisir bien précis : celui des amours clandestines, un partage par le corps total et immédiat. Nous n'aurons que ça dans cette vie ? Et bien, soit, brûlons et aimons-nous. Voilà ce que disait l'union de nos deux corps. Plus tard, ses messages tendres, puis nos deux ou trois rendez-vous, clairsemés et pas toujours sexués, m'ont conforté dans l'idée que cette relation était spéciale. J'en ai sans doute connu beaucoup d'autres depuis, et des plus fortes, mais c'est lui qui m'a donné ce goût de l'infidélité joyeuse.

Quand je suis entré chez lui tout à l'heure, il a allumé la télévision comme d'autres auraient mis de la musique romantique. Sur l'écran, c'était un film pornographique des années 1970, un film mignon certes, mais cette clarté de son désir m'a immédiatement révulsé : il voulait coucher et avait libéré sa pause déjeuner de jeune homme d'affaires pour cela. Nous avions une heure, il fallait faire vite. J'ai senti cette première image sur l'écran comme un viol. Quand il est sorti des toilettes, il n'avait pas fermé sa ceinture, pour aller plus vite, me suis-je dit. Il y avait quelque chose de répugnant dans sa présence devant moi, ceinture pendante. Je me suis dit que j'allais partir, que j'allais dire non, et puis il m'a dit deux ou trois mots gentils qui m'ont rappelé celui que j'avais connu, celui-là même qui m'écrivait des mots tendres de temps en temps. Je l'ai laissé m'embrasser. Mal. Sa langue dure dans ma bouche. Ses lèvres trop molles. Le mouvement irrégulier. Je ne pensais qu'à la conversation que j'avais eu avec C* dans le train il y a quelques jours sur les bons amants : on le sait dès le baiser, s'il y a accord ou pas. Je me suis laissé guider sur le lit, prêt à me refuser à tout instant, en sachant bien que plus j'attendais, plus ce serait cruel. Et puis il avait la peau douce. Et puis il a utilisé une des armes contre lesquelles je ne peux rien faire. Et puis nous avons couché (et non fait l'amour, ce serait salir les autres qui m'ont vraiment aimés). Il a déplacé la porte de son placard de sorte que le miroir reflète le lit. Il avait dû étudier précisément la position du miroir, avec beaucoup d'autres, ai-je pensé. Il a sorti du gel, un énorme tube dont je n'ai pas voulu regarder la jauge. Et puis il m'a mis un préservatif. Il m'a fait entrer en lui. Vite, il m'a fait changer de position. Je le regardais, sous moi, et je voyais que son regard fuyait, non ne fuyait pas justement mais visait très précisément un point. J'ai tourné la tête, tout en le prenant plus violemment. Le miroir, bien sûr. C'étaient bien mes fesses qui se serraient et se desserraient, mes cuisses qui se raffermissaient, mes testicules qui se balançaient, et même mon sexe qui sortait, et pourtant ce n'était pas moi. C'était une image. Oui, à cet instant où je sentais pourtant la jouissance monter, je me suis dit très clairement, ceci est l'image d'un film pornographique, un pur équivalent de la première image qu'il a allumée quand nous sommes entrés chez lui. Plus tard, je lui ai reproché ce regard insistant, mais non ce n'était pas un reproche, je lui ai dit tristement. J'ai essayé de plaisanter avec celui que j'ai connu, que j'avais connu. Tu ne serais pas un peu Narcissique ? Il n'a pas compris. Il m'a dit que c'étaient mes fesses qu'il regardait et non pas lui-même. J'aurais pu lui répondre mille choses, mais je me suis tu. A cet instant, j'ai compris que je ne l'aimerais plus jamais, que quelque chose était mort. J'ai tout de même ajouté d'autres mots un peu tristes, qui comme tous les mots un peu tristes, se disent avec un sourire fin. Tu as changé. New York t'a rendu plus froid. Il était d'accord avec moi, il n'avait pas l'air de trouver ça très grave. Nous nous sommes séparés sous une pluie battante. J'ai marché encore, J'avais la nausée. Je me souviens qu'à cet instant je me suis juré que ça ne se reproduirait plus. Je m'étais laissé faire, pour voir, pour le passé, et c'était la dernière fois. A cet instant, j'ai aussi pensé à New York, et cette ville que j'avais toujours idéalisée, la seule où j'aurais voulu, en bon Parisien, vivre ; et j'étais content d'en être un peu exclus, de rester le touriste, l'étranger privilégié, celui qui a des amis ici, qui va et qui vient, mais qui repart toujours, parce qu'il sait que la vie, la vraie vie, est ailleurs, loin de ce tourbillon qui séduit infiniment pour mieux engloutir définitivement.

dimanche 7 octobre 2007

in a dark dark night


Je regarde l'étranger que je suis devenu avec une curiosité teintée de tristesse.

Il y a quelques jours, je recevais des roses qui venaient couronner six années d'amour partagé. Le même jour, je répondais avec ferveur au message tendre d'un jeune homme à qui je pense souvent et contre lequel j'aime me lover. Et puis au milieu de cette nuit enivrée, je m'arrête face à ce jeune réalisateur catalan qui travaille à Londres. Quelques échanges et puis je le regarde vraiment, dans les yeux - une lumière qui m'attire et me brûle en un clignement. Son visage est un poème de douceur, je l'imagine déjà jouer dans une adaptation de "L'Idiot" de Dostoievski, ce qui est un signe de mon enlisement avancé, je sens que je suis au bord des larmes, je ravale mes larmes, je l'écoute et bafouille en anglais, et puis j'écoute les phrases sortir de mon corps, tout ce que je n'aurais jamais cru pouvoir dire à un inconnu rencontré il y a une heure : "I want desperately to kiss you. If I don't kiss you right now, I'm going to die."

A quel moment ai-je basculé ? Basculé dans le monde de ceux qui osent ? Peut-être l'alcool et la langue étrangère me rendent-ils plus audacieux... Comment croire qu'il allait me dire oui ? Je ne sais pas ce qu'il a dit. Peut-etre qu'il a dit quelque chose, mais que je n'ai pas pu entendre - je regardais ses yeux. Il a peut-être ri, oui, c'est possible. Il a peut-être dit que j'étais fou, il l'a dit souvent après. Je me souviens qu'il est sorti du bar, il voulait que je le suive, il me le disait du bout des yeux, et moi je m'attachais à ce fil, celui qu'il me tendait dans la nuit. Là, loin du monde, je ne sais pas quand nos yeux se sont fermés, mais c'étaient ses lèvres que je sentais. Non je ne sentais rien. Je n'existais plus. J'étais la nuit, j'étais l'alcool, j'étais lui. Plus tard, lors de l'un de nos nombreux réveils, il me le dira : quand je te touche, c'est comme si tu étais une partie de mon corps. Avant cela, il y a eu l'amour sur le port, entre la mer et les étoiles. Comme nous étions fous. Nous n'aurions pas pu attendre l'hôtel. Marcher dans la nuit. Traverser un chantier, lui donner la main, dire n'importe quoi à 5 heures du matin. Et puis dormir avec lui sans dormir. Nous nous sommes séparés puis retrouvés pour mieux nous séparer à nouveau. C'était le jour, le monde autour. Il a fallu se dire adieu devant un cinéma. Il ne pouvait pas m'embrasser. Il me disait que j'étais si tendre, il touchait mon côté, il me regardait encore avec son demi sourire, celui-là même que je vois quand je pense à lui, et aussi quand je n'y pense pas. Et puis il a fait quelque chose de très gracieux, il m'a pris dans ses bras et il s'est dégagé très très lentement jusqu'à ce que nos mains se détachent comme celles de Dieu et d'Adam au centre du plafond de la Chapelle Sixtine. Et puis il a disparu dans la nuit du cinéma.

Je suis rentré à Paris. Heureusement, je n'étais pas seul, sinon j'aurais pleuré dans le train, et ce serait ridicule de pleurer dans un train. Je suis rentrée avec C* qui envie ma capacité d'amour, elle dit souvent qu'elle aimerait être pédé. Elle ne sait pas ce que c'est, les interstices, quand je suis seul dans mon lit, quand je ferme les yeux pour sentir encore ce corps qui sentait si doux, pour voir ce regard dont je n'ai pas percé le mystère ; elle ne sait pas ce que c'est que d'avoir un corps couvert d'invisibles tatouages, les marques des corps aimés, et quand la nuit, l'après-midi, mon corps crie, comme séparé, amputé d'un membre...

Alors, oui, parfois, j'aimerais être comme avant. Quand je ne savais pas faire, quand j'avais trop peur des gens pour aller vers eux, quand je ne savais pas donner et prendre aussi vite, quand je ne savais pas immédiatement reconnaître ceux qui me plairaient, ceux à qui je plairais vraiment, quand je pensais qu'aimer c'était aimer une seule personne... C'est sans doute le prix d'être si plein des autres, cette immense déchirure.

jeudi 20 septembre 2007

le refus


Cher J,

je suis très flatté de ton empressement, flatté autant que surpris puisque si tu étais si empressé, tu te serais tout de même manifesté durant ces presque trois semaines. Ce soir-là, au mariage, je t'ai trouvé, comme bien des fois, charmant. Tu m'as séduit parce que tu étais là, avec ta froideur apparente, tes anecdotes à n'en plus finir, ta maladresse enfin, oui, tu étais là devant moi inattendu et désirable. Je me suis donc laissé brûler par la fièvre qui animait tes yeux quand ils se tournaient vers moi - c'est du moins ce qu'il me semblait.

Dans ton mail, nulle fièvre, je ne lis que des injonctions. Je ne suis pas un personnage en quête d'auteur. Les romans, je les écris ; dans la vie, je préfère, ô combien, la surprise et la liberté - d'ailleurs, ne dit-on pas que les plus beaux personnages sont ceux qui restent libres et échappent à leur auteur... Alors, non, je n'entrerai pas dans la case un peu trop préméditée d'un emploi du temps tout fait, et oui, tu en trouveras d'autres qui joueront bien mieux que moi le rôle que tu as écrit pour eux. Je te le souhaite et t'embrasse tendrement.

...
(Le lendemain, après une réponse fleuve pétrie de désir, d'excuses et de nouvelles injonctions).

Cher J.,

je suis heureux de voir à quel point tu te donnes. Car, oui et je le
dis sans ironie, tu donnes beaucoup.

Tu donnes et tu prends, tu ne t'abandonnes pas. Tu as peur d'être
ridicule, ou pas peur, peu importe, mais sache que tu ne l'es pas. Tu
l'as peut-être été, ou sur le point de l'être, un jour tremblant sur
un banc devant la Cinémathèque. Sache que ce jour-là, j'aurais pu
t'aimer.

Mais en te relisant, je m'aperçois que le seul mot absent de ta
fougue, c'est celui-là même par lequel j'avais terminé mon précédent
message, celui de tendresse. Tu es un lion et je suis un papillon,
nous ne jouons définitivement pas dans la même cour. Tu m'offres un
amour tragique, un sexe violent et, encore une fois, un programme à
remplir... mais moi j'aime l'amour léger, le sexe ludique et la grâce
muette d'un échange véritable. Alors, c'est vrai, nous nous sommes
croisés et nous n'aurions pas dû. Avoir lutté contre cette impossibilité, je trouve que c'est déjà beaucoup et je le garde avec moi comme un secret. Car je ne peux pas me donner à toi, de même que tu ne peux pas t'abandonner, parce que je ne sais pas, parce que tu ne sais pas. Tes lèvres ont le goût de soufre. Tes ailes me font saigner. Et moi, non, je ne veux pas brûler.

mercredi 19 septembre 2007

les jours et les nuits (de berlin)


Je n'ai pas écrit. J'aurais pu, mais une fois n'est pas coutume, je les ai vécues, mes petites fictions. Je me suis laissé glisser le long du réel, et au fil des rencontres j'ai plongé dans le fleuve de l'oubli. Non, aujourd'hui, je ne me souviens plus de la continuité des choses, de pourquoi j'ai fait ceci ou cela. Il ne me reste que des bribes... Berlin, d'abord, oui Berlin...

A peine descendu de l'avion avec P., me voici dans les bras de Hendrik qui nous loge. Il est gentiment venu nous chercher, et son excès d'amabilité prend une tournure bien physique : il nous serre contre lui, P. d'un côté, moi de l'autre. Etonné, je regarde le visage de P., qui ne déteste rien tant que ce genre d'effusion (il peine déjà à faire la bise), et je remarque qu'il se contient sans rien dire, un peu dépassé sans doute par les événements. Hendrik ne quittera pas son rôle de (trop) bon guide, P. celui d'invité oppressé qui reste poli. Ah, ces Allemands, ça commence bien... Ce soir-là, nous irons dans un bar qui réussit le miracle d'avoir des garçons beaux et intelligents, puis nous passerons dans une alcôve entièrement recouverte de fourure rouge et de miroirs baroques. C'est dans cet endroit pour le moins décalé qu'un (très) beau Turc me regarde avec insistance. Il ne parle ni français, ni anglais, et envoie une amie pour me séduire. Quelques minutes plus tard, il me fait asseoir sur ses genoux (qui me paraissent immenses) tout en me répétant qu'il est hétéro et que je suis très mignon. Plus rien ne me surprend, ma volonté est déjà noyée dans les volutes de l'alcool. Plus tard encore, il me fera toucher ses muscles, sa poitrine. Et quand mon regard un peu intéressé lui montrera ma gentillesse, il fera quelques pas en arrière : je me méprends, dit la traductrice. Il a le physique d'un rugbyman et le visage gracieux d'un danseur. Il ne connaît qu'un seul mot en anglais : bodyguard. C'est son métier. Comme je ne crois pas sérieusement qu'il se passera quelque chose - et le voudrais-je seulement ? - je joue son jeu. Il nous suit, Hendrik, P. et moi, dans un autre bar, loin du Kreuzberg où nous nous sommes réfugiés depuis plusieurs heures déjà. Nous nous arrêtons à l'Alexanderplatz dont j'avais tant rêvé. L'extrémité de la tour est plongée dans la brume, et a une beauté que je ne lui reverrais plus de jour. Dans les sous-sols d'une boîte, le Turc fait mine de partir furieux... Je ne l'ai pas touché, je lui ai juste montré le babyfoot dans la pièce d'à côté. Il a dû croire que je l'entraînais dans un coin sombre. Curieusement, je suis déçu, ou non, moi-même peut-être furieux que ce type refoulé joue avec moi, et ce malgré lui, par pure bêtise... Au moment où il disparaît dans l'escalier en colimaçon, un garçon entre, me regarde, mime le geste que je fais, un geste de tragédien, la main sur le front, il commence, quelques mots en Allemand auxquels je ne comprends rien, puis en anglais. Comme il est agréable de comprendre, de séduire et d'être séduit par les mots. Son regard est franc, ses mots troubles - il me désire, le sait, le veut. Il ne tarde pas à me proposer un verre. J'ai déjà trop bu. I'm drunk enought. Enought for what ? To die, to live, to cry, to kiss... Il m'embrasse. Je sens son corps frémir, son dos ferme, ses baisers fougueux. Le temps s'arrête. L'éternité du premier baiser qui n'en finit pas de recommencer. De la lumière près de la porte, les autres me regardent avec ironie (Hendrik avait prévu mon succès et m'avait encouragé à garder mon petit polo noir). Ils veulent partir. Que faire ? Quand il est entré, à cet instant précis du temps, n'importe quel garçon, un tant soit peu bavard et sensuel, aurait pu me séduire. J'attends donc une nécessité, un signe. Je lui dis que je dois partir, il me dit de venir chez lui. Je lui dis que je n'ai que quatre jours, quatre jours c'est trop peu pour un amour comme le nôtre. Il sourit, il me dit qu'il essayerait bien. Je prends conseil auprès de P., génial paranoïaque hypocondriaque, qui me lance : il est en phase terminale de sida. Il en fallait moins pour me refroidir. Je n'en suis pas du tout sûr, mais bon, puisque j'attendais un signe, je dis adieu à mon amant allemand qui ne le sera jamais vraiment. Dans ces mêmes escaliers en colimaçon où mon Turc a disparu tout à l'heure, nous échangeons un dernier baiser. Comme le dernier est proche du premier, et pourtant si différent. Il me tient par la main, me retient, de multiples baisers. Et puis, je m'échappe, je sors sur la place, à la lumière des lampadaires. P., horrifié, s'approche de moi : il a vu le visage du bien aimé et s'excuse ("Il est très bonne santé celui-là, je l'ai confondu avec un autre..."). Je souris de sa méprise. Je pourrais redescendre, mais je voulais m'échapper, voilà qui est fait. Peut-être avais-je juste besoin de sentir cette légèreté qui ne peut exister qu'à l'étranger, quand on devient autre en recommençant tout à zéro - un baiser, oui, rien qu'un baiser.

Les autres soirées berlinoises ressembleront peu ou prou à celle-ci. Danse et alcool (ah, ce bide de bière que j'ai mis deux semaines à perdre!), garçons et légèreté. Le Commandant Hendrik s'avérera capable d'une sentimentalité insoupçonnée (il écoute le Tristan et Iseult de Wagner, comme moi, et m'abreuve encore de mots doux, à distance). De jour, je me laisserai guider par Marion dans les rues de Mitte ou sur la "casting allée", j'irai me perdre dans la contemplation des Caravage et des Veermer, je profiterai du soleil des parcs...

Et puis, ce bonheur, si dense, s'achève. Nous rentrons tristement, avec P., en sachant bien que nous ne passerons pas de vacances aussi folles avant longtemps, très longtemps. Oui, de vrais vacances : quand l'esprit marche plus vite, ailleurs, autrement, quand on peut se perdre au coin d'une rue et se retrouver la seconde d'après en s'arrêtant pour contempler le vestige d'un mur trop symbolique, une architecture jamais vue, un ciel chargé de mélancolie.

Quand je suis rentré ce lundi-là, j'ai ouvert un livre d'allemand. Il était temps que je commence une vie nouvelle.

mercredi 5 septembre 2007

un degré et demy


Indescriptible, irraisonnable joie! L'idée d'aller à Berlin, pour la première fois de ma vie, demain, avec P., me remplit de joie. La perspective du plaisir de voir tout à l'heure, avec JM, le nouveau film d'Eric Rohmer, me remplit de joie. Le cap passé aujourd'hui de, pour la toute, toute première fois, solliciter quelqu'un pour un travail me remplit de joie. Mais où était-elle donc ensevelie toute cette joie qui s'extrait soudain de mon corps consentant ? J'aurais presque envie de chanter, comme dans "Peau d'âne" :

Mais qu'allons nous faire de tant de bonheur
Le montrer ou bien le taire?
Tous deux nous ferons de notre vie
Ce que d'autres n'ont jamais su faire
Nos amours resterons légendaires
Et nous vivrons longtemps après la vie
Mais qu'allons nous faire de tout cet amour
Le montrer ou bien le taire?
Nous ferons ce qui est interdit
Nous irons ensemble à la buvette
Nous fumerons la pipe en cachette
Nous nous gaverons de pâtisseries
Mais qu'allons nous faire de tous ces plaisirs?
Il y en a tant
Il y en a tant
sur Terre
sur Terre

lundi 3 septembre 2007

en attendant la pluie


Blanc, le ciel n'est plus qu'un nuage.
Le vent frais par la fenêtre ne balayera pas les larmes.
Attendre la pluie pour les noyer dans l'immensité. Et crier.

mardi 21 août 2007

la nostalgie du soleil


Je pense à ce garçon que je ne reverrai peut-être jamais et que j'ai peut-être vraiment aimé. Je pense à cette île italienne que je ne reverrai peut-être jamais mais dont je me souviendrai toujours - son eau au bleu si transparent. Je me sens comme en exil. C'est peut-être qu'il fait froid aujourd'hui à Paris. Oui, j'ai froid et je repense au soleil de la Sardaigne. Si je donne le nom d'un garçon ou d'un pays à mon exil, n'est-il pas plus profond, plus durable ? Oui, mais être en exil de quoi exactement ? Il y a certains jours où je ne me sens pas à ma place, l'impression que c'est un autre que moi qui est là, qu'en prononçant mon nom c'est à un autre qu'on s'adresse. Et moi, où suis-je alors ? Nulle part. Ce que je sais, c'est que mon oisiveté a assez duré, il est temps que je retourne au travail.

mardi 14 août 2007

le feu sacré


Hier, j'ai fait l'amour trois fois, avec trois garçons différents.

J'ai dit "Viens" à mon Italien en transit à Milan, et il est venu. Une semaine après notre rencontre impromptue, il était là, dans mes bras, à Paris. Nous n'avions qu'un week-end pour nous connaître, alors il fallait faire vite, très vite. Aller au cinéma et au musée, parler - beaucoup - lui faire à manger (au moins un boeuf Stroganoff et un tiramisu), et faire l'amour, bien sûr. Apprendre par coeur chaque millimètre de sa peau, caresser ses cicatrices, se souvenir du goût de sa langue, de son sexe, s'imprégner de son odeur. Parfois, sa fierté italienne m'amusait, il prenait mal mon ironie française, et puis quand je boudais, venait me couvrir de baisers. Le dernier jour, dans un souffle il s'est serré contre moi, a susuré un "Je t'aime" si doux et si faible que le moindre frémissement de vent par la fenêtre, le moindre pas sur le plancher du dessus aurait pu le recouvrir. La dernière fois que nous avons fait l'amour, il s'est mis à pleurer, des sanglots entrecoupés d'excuses ("Je ne suis pas comme ça d'habitude"). Je n'ai rien dit. Je l'ai juste serré plus fort, et à mon tour, je l'ai couvert de baisers ; et puis, j'ai bu ses larmes. Quand il est parti ce matin-là, je l'ai regardé s'éloigner encadré par la vitre sale du RER qui le conduisait à son avion. Je suis sorti de la Gare du Nord et j'ai marché, marché, marché.

J'ai nagé, nagé, nagé. Ma tête était vide, j'étais content de ne penser à rien. Quand je suis sorti de la piscine, je savais que je retrouverais ma chambre blanche et qu'il ne serait plus là. Je ne voulais pas être surpris par une douleur inattendue alors j'avais fait le ménage, changé les draps - tout faire pour ne pas me complaire dans son absence. Quand je suis sorti de la piscine, j'avais un message. Ce n'était pas encore le sien, qui arriverait plus tard, dans la soirée, c'était celui d'un ancien ami-amant, un Brésilien avec qui j'avais beaucoup partagé il y a 9 mois et qui était de retour à Paris pour quelques jours. Il est immédiatement venu chez moi, s'est assis sur mon canapé, m'a confié la cause de son long séjour au Brésil - la mort de son père. Tout en me parlant, il me tenait les mains. Notre complicité physique était évidente dès la première rencontre, et sa sensualité me faisait toujours le même effet, un lent et irrésistible glissement. C'est naturellement que notre verve, nos confidences se changèrent en baisers, en morsures. Nous fîmes l'amour longtemps, comme si c'était la première fois. Je notais secrètement les petites différences de son corps avec le corps de mon souvenir, son ventre moins parfaitement tendu, son torse plus poilu, son sexe plus large. Pendant les heures que dura cet amour, nous n'avions pas prononcé un seul mot. C'est tout aussi naturellement que la jouissance mit fin à nos silences et que, sous la douche, je le retrouvais volubile, tel que je l'avais toujours connu. Sur le pas de la porte, nous échangeons un dernier baiser, nous promettant de nous revoir en septembre et nous partons tous les deux rejoindre notre vie, le réel.

Mon réel, c'était un film d'Oshima avec Julien - le bien nommé Les Plaisirs de la chair. Julien n'est pas beau, il n'est même pas mon genre, et pourtant je me sens attaché à lui par un lien presque animal. Peut-être est-ce sa voix suave, inégalable. Souvent au téléphone, je fais durer la conversation, l'encourage à continuer juste pour entendre le son de sa voix un peu plus longtemps. Je n'imagine jamais que je referai l'amour avec lui et, à chaque fois, je suis comme débordé par une force, peut-être son désir à lui, peut-être mon propre corps surpris de ce qu'il découvre. Ce soir-là, après le film, après le dîner, nous avons dormi chez lui. Nous nous sommes embrassés voracement, déshabillés rapidement mais nous avons mis longtemps à jouir. Son sperme était le troisième que je recevais de la journée, pourtant ce fut comme une première fois. Je fus aussi étonné de jouir aussi fort après deux orgasmes aussi beaux et pleins que ceux qui l'avaient précédé. Après l'amour, je restais alangui sur le lit tandis qu'il se confiait en me caressant les cuisses. Je lui reprochais mollement d'avoir accueilli chez lui pendant plusieurs jours un ami qui ne le méritait pas et que lui-même ne respectait pas vraiment, à peine un ami en somme, jusqu'à ce qu'il m'avoue qu'il l'avait fait pour se sentir moins seul. Tu es si seul que ça ? Atrocement. J'approche la main de son visage pour le saisir. Qu'il sente une présence alliée. A cet instant, son regard est doux comme sa voix et je me plonge longtemps dans la contemplation de ce bleu si triste bien au-delà du beau et du laid. Je le soupçonne d'avoir laissé la fenêtre ouverte, cette nuit-là, pour que je sois obligé de me coller contre lui, ce que j'aurais de toute façon fait. Tard dans la nuit, nous nous sommes endormis comme un seul corps.

Hier, j'ai allumé trois cierges, brûlé trois fois dans l'église de l'amour. Oui, j'ai fait l'amour trois fois, avec trois garçons différents. Je les ai tous aimés.

lundi 6 août 2007

il n'y a d'amour généreux que celui qui se sait en même temps passager et singulier


1. Sur une plage italienne, fin d'après-midi.
L'eau est incroyablement transparente, je le regarde. Il le sait, comme je sais aussi qu'il me regarde. Il se tourne vers l'horizon puis vers moi puis vers l'horizon... Plus tard, il passera devant moi, s'arrêtera un peu loin. Il n'est pas le seul à changer ainsi de place ; c'est une danse, les garçons font les paons sur la plage. Inédit aux yeux voraces, j'attire les regards comme un petit rongeur au milieu des vautours.IIs passent et repassent, s'arrêtent, jouent les indifférents, fixent au loin. Lui n'est pas comme les autres. Quand j'ai repris la route ce soir-là , juste après le coucher du soleil, en montant dans sa voiture, il s'est tourné vers moi et a esquissé un signe, comme un adieu pudique et impossible. Cette nuit-là , je repenserai en me tournant dans un sommeil qui tardera à venir aux garçons de la plage, le regard avide, dressés comme des mâts au beau milieu du sable et des roches, je repenserai à lui surtout - le parfum du regret. Alors quand le lendemain, je me trouve à nouveau sur cette plage, presque par hasard, et qu'il est là, je le contemple avec plus d'insistance. Il n'est sans doute pas le plus beau de la plage, mais il me plaît infiniment. Une heure passe, je nage, l'eau toujours aussi claire, le soleil toujours aussi fort. Il repasse. Mon coeur bat très fort. Il avance devant moi, à deux mètres et je sais que c'est une illusion mais j'ai l'impression qu'il passe très très lentement. Je pourrais sentir son odeur, puisque le vent est favorable. Il s'assoit un peu plus loin. Après moult tergiversations, je me décide, pour la première fois de ma vie, à faire le premier pas. Ce doit être l'esprit des vacances, la légèreté d'être à l'étranger, croire que tout est possible.

Nous parlons longtemps, debout sur la plage. Nous dessinons des pas de danse, danse qui cette fois-ci se joue à deux. Les autres doivent nous regarder, spectateurs d'un moment volé, mais nous n'y pensons pas, nous sommes trop occupés à nous regarder, à nous écouter. Il remarque mon coup de soleil, répond à mes sourires, tente quelques compliments mais ce sont ses yeux le plus beau des compliments. Je pourrais vivre l'éternité sous ce regard tendre et généreux. Celui de Y. non loin de là s'est éteint : il ne me regarde plus avec l'amour qui nous a bercés pendant six ans. Ne pas penser au puits sans fond de souffrances qu'est cette rupture qui approche et lever les yeux vers l'amour qui naît sur les cendres encore brûlantes... Le soleil se couche à nouveau tandis que nos corps offerts aux derniers rayons se tournent autour sans se toucher. Il a l'air doux, incroyablement doux. Nous prenons rendez-vous pour dîner une heure plus tard et passons une étrange soirée - Y est là, et parce que cet amour est transparent je ne prends pas la peine de le lui cacher, pour la première fois je lui donne l'éclosion de mon amour en spectacle.

2. Les rues de la ville, la nuit.
Se donner la main sous la table. Se frôler en marchant côte à côte. S'arrêter soudainement, et s'embrasser dans une ruelle déserte. Voilà ce que nous faisons. Nous nous nous découvrons comme deux adolescents, et tout a le goût des premières fois. Nous baissons les armes, ou plutôt lui car moi je ne suis jamais armé dans ces moments-là - inconscient, je n'ai peur de rien et veux bien tout donner, tout prendre et tout perdre. Je sens le moment exact de sa chute, celui où il tombe amoureux. Je jouis de ce moment sans cynisme car moi aussi à cet instant je suis touché par sa présence et je sens que nous vivons un moment unique. Un moment...

3. Car il faut partir.
Le dernier soir, nous cherchons un endroit où nous aimer pour la première fois (la seule?). La chambre d'hôtel est exclue - Y. y est à ne plus m'attendre, déçu par mon égoïsme. Et mon Italien habite si loin... Alors il m'emmène près du phare, nous trouvons des vestiges de la guerre et nous nous embrassons, oubliant le temps qui passe, l'Histoire étouffée sous nos baisers, les regards d'autres garçons qui se font de plus en plus insistants. Car nous sommes sur un lieu de drague. Ironie, c'est le seul endroit où nous pouvons nous toucher. Mais déjà, je remarque un garçon qui se cache pour nous épier et je l'imagine en train de nous souiller. Nous partons et nous nous arrêtons sur un chemin rocailleux, perdu. Dans sa voiture, nous nous déshabillons pour la première fois. Côte à côte, nous nous caressons. Je touche cette peau si désirée, si brune et si douce. L'étreinte. Je finis par jouir sans même me toucher. Je trace un Pollock sur son torse. J'étale en espérant qu'il garde mon odeur longtemps. La nuit est tombée derrière nous. Nous nous embrassons encore.

L'horloge me rappelle cruellement qu'il faut partir. Et c'est le lieu même de notre amour qui est le véhicule de notre séparation. Sur la route du retour, nous nous taisons. J'essaie quelques paroles réconfortantes, il me réplique qu'il est plus vieux que moi, que je suis Don Giovanni, un méchant, qu'il faut que je revienne et qu'il sait que je ne le ferais pas. Il me dit tout ça en riant, alors moi aussi je ris, je lui dis qu'il exagère, explore quelques théories sur l'amour et la rencontre. Je le sens rageur, au bord d'exploser. Il ne me dit plus que des phrases simples et définitives : il me veut pour lui seul, me demande une exclusivité pour au moins 20 ou 30 ans, je lui dis que ce n'est pas possible, que s'il m'aime un peu il doit aussi aimer ma liberté. Puis silence. Je sais bien qu'il a raison. Je me tourne vers lui qui conduit toujours, inexorablement vers notre séparation. Il a du mal à cacher sa tristesse. Il regarde l'heure, plus que 5 minutes, il est au bord de pleurer. C'est très beau un garçon qui se retient de pleurer. Toutes mes paroles seraient indécentes, alors je regarde par la fenêtre cette mer qui n'en finit pas d'être bleue. Je suis fatigué, je suis toujours plus sensible quand je suis fatigué. Je ne vais pas me mettre à pleurer, quand même, ce serait ridicule. Quand la voiture s'arrêtera quelques minutes plus tard, nous aurons à peine échangé quelques mots de plus. Nous nous regarderons, un vrai, un long regard, et je partirai en emportant les kleenex qui ont servi à nettoyer notre méfait.

4. Cette nuit-là quand je rentre auprès de Y, je ne me sens pas très bien. Je ne me sens pas coupable de l'avoir trompé une fois de plus, non, je me sens d'un égoïsme dévorant. Avoir laissé Y seul, qui savait très bien ce qui était en train de se passer. Avoir aimé, fugitivement, J., avoir construit cette si belle fiction alors que lui est rentré avec sa tristesse et sa solitude. Je me rêvais en ange qui apporte l'amour, et je ne suis qu'un voleur, un petit malfrat, un médiocre qui laisse tomber les garçons comme des quilles sur son passage, tout en les maintenant dans l'espoir d'un grand amour. Et pourtant je suis sincère, terriblement sincère. Tandis que J. m'écrit pour me dire sa souffrance, je me dis que je vais éviter les garçons pendant un moment. Et pour me consoler, je relis le passage du Mythe de Sisyphe sur Don Juan :

"Nous n’appelons amour ce qui nous lie à certains êtres que par référence à une façon de voir collective et dont les livres et les légendes sont responsables. Mais de l’amour, je ne connais que ce mélange de désir, de tendresse et d’intelligence qui me lie à tel être. Ce composé n’est pas le même pour tel autre. Je n’ai pas le droit de recouvrir toutes ces expériences du même nom. Cela dispense de les mener des mêmes gestes. L’homme absurde multiplie encore ici ce qu’il peut unifier. Ainsi découvre-t-il une nouvelle façon d’être qui le libère au moins autant qu’elle libère ceux qui l’approchent. Il n’y a d’amour généreux que celui qui se sait en même temps passager et singulier. Ce sont toutes ces morts et toutes ces renaissances qui font pour Don Juan la gerbe de sa vie. C’est la façon qu’il a de donner et de faire vivre. Je laisse à juger si l’on peut parler d’égoïsme."

5. De retour, dans l'avion.
Aujourd'hui, peut-être est-ce la tristesse et la fatigue du retour mais je me sens si loin de toutes les justifications théoriques que j'ai depuis quelques années pris tant d'énergie et de plaisir à élaborer. Car que sont les idées face à la souffrance d'un garçon ?

6. Il pleut sur Paris, et je me suis fait prendre à mon propre jeu. Je repense au regard de J., à ces moments volés, qui sont les seuls que je sais vivre, et je lui écris. Je lui dis qu'il m'a donné de la force et que je voudrais lui en avoir donné aussi, ne pas être qu'une source de tristesse... Quelques minutes après, j'ai sa réponse :

"Tu m'as donné de la joie, beaucoup de joie. Même si je souffre, je suis content, content de souffrir justement... parce que je ne pensais plus que c'était possible. J'étais devenu un glaçon, je pensais être froid et détaché. J'ai bien vu avec toi que ce n'était pas vrai..."

En cet instant, ses paroles me donnent l'impression de ne pas m'être trompé sur tout. Je suis incroyablement joyeux et triste à la fois. Ce n'est pas l'état le plus agréable mais c'est ainsi que j'affronte l'absurdité du monde et de ma vie. Oui, j'existe.

lundi 23 juillet 2007

sous la pluie


Je regarde la pluie tomber par la fenêtre ouverte, et je pense à ces vacances en Sardaigne qui approchent à grands pas (mercredi) et à ces souvenirs qui s'éloignent tout aussi vite. Un dimanche amoureux avec Y m'aura fait oublier toutes les mesquineries professionnelles et les garçons malveillants. Parfois, parfois, le bonheur ne tient vraiment à pas grand chose...

mercredi 18 juillet 2007

à celui qui ne m'a pas sauvé la vie


Le soleil revient. Ma mélancolie aussi : en cette période de doute professionnel et de langueur amoureuse, je n'arrive pas à me sortir de la tête que j'attends quelque chose d'autre, ou plutôt quelqu'un d'autre... Eternelle insatisfaction ? Déceptions répétées ? Ne suis-je capable de construire des relations saines qu'avec ceux qui partent au loin ? Finalement, la lâcheté de M., confirmée définitivement par un ami commun, m'a blessé plus que son désamour. Elle devient le symptôme d'une époque où ces amours - et pire ces amitiés - éjectables, remplaçables les unes par les autres, sont naturelles, communément acceptées. Cela a, bien sûr, fait rire V. quand je lui ai évoqué tout à l'heure mon goût pour les relations fidèles. Il m'a repris: loyales. Oui, si tu veux mais fidèles quand même, ai-je insisté : elles ont tant à voir avec la foi, et puis je crois à la fidélité morale.

J'aimerais que quelqu'un me mette sur la voie et donne un sens à cette suite d'événements épars qu'est ma vie - tout en sachant bien que c'est impossible, que cet autre vienne. Je me souviens alors de ce qu'écrivait Duras : "L'histoire de ma vie n'existe pas. ça n'existe pas. Il n'y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où l'on fait croire qu'il y avait quelqu'un, ce n'est pas vrai il n'y avait personne." C'était dans "L'Amant", je crois.

dimanche 15 juillet 2007

le garçon de trente ans


Je ne le vois pas tout de suite. Il est sur le balcon et il parle à P., seul ami présent à cette fête où je ne suis décidément pas à l'aise. Nous regardons tous les trois les lumières encore allumées dans ce bel immeuble parisien qui nous fait face. Nous commentons les pas de deux jeunes femmes dont nous ne verrons jamais les visages. Elles se disputent, dit l'un. Regardez comme celle-là minaude, dit l'autre. Oh non, elles quittent la cuisine et passent hors champs. Vingt minutes plus tard, elles éteignent sagement la lumière, et puis c'est au tour de P. de s'éclipser, me laissant seul avec ce garçon de 30 ans.

Comment est-il ? Comme tous les garçons de 30 ans. Ni jeune, ni vieux. Il a déjà aimé, souffert, il en est revenu. Il sait être superficiel, juste ce qu'il faut dans ce genre de soirée. Il a sa vie, il s'est trouvé, ou bien il en est si près que c'est tout comme. Quand il séduit, il n'est ni insistant, ni maladroit. Il sait ce qu'il veut, mais il restera amical s'il ne l'a pas. Il est audacieux, quand même, il embrasse sur le balcon, ira même jusqu'à glisser une main dans la culotte du garçon qu'il drague - mais après un temps raisonnable d'approche car il maîtrise le tempo à la perfection. Il est sans complications, ne mettra pas trop d'enjeu, mais rien ne lui sera non plus indifférent. Elle est passée, sa période de séduction et de sexe frénétique. Il aime l'amour physique mais il préfère le faire (un peu) moins avec des garçons qui lui plaisent (un peu) plus. C'est le meilleur des amants possibles. Il n'a plus la maladresse des premiers attouchements, pas encore les faiblesses de ses grands frères. Sa peau est douce, mais pas lisse. Il dit les mots justes pendant l'amour. Il caresse bien, accepte qu'on le touche vraiment, relève la tête pour embrasser à intervalles réguliers. L'autre n'est pas un objet dans ses bras. C'est un corps certes, mais il lui offre cette tendresse particulière, gratuite, mâture, et lui montre qu'il est vraiment avec lui. D'ailleurs quand il entre en lui, il sait alterner les moments de lascivité et une violence nécessaire, il sait se servir de son sexe, impérieux mais qui ne fera jamais mal... Il mordille l'oreille de l'aimé, entre complètement pour mieux se figer immobile, joue jusqu'à être au bord de sortir et entre à nouveau complètement. Il veut faire jouir l'autre et peut attendre le matin pour jouir lui. C'est qu'il est généreux, le garçon de 30 ans.

lundi 9 juillet 2007

retour et détours


Le lundi matin. Comme un éternel recommencement. Comme une étrangeté à soi-même. Si déjà en temps normal, il a quelque chose de rouillé et de douloureux, après une absence, le lundi matin sonne comme une douce fatalité - c'est ici et maintenant et tu n'y échapperas pas. Après huit jours au festival de La Rochelle, une trentaine de films, trois restaurants de poissons avec P. un ami un vrai, un nouvel amour et quelques rêveries, me voilà de nouveau perché à Paris dans ma chambre blanche face à mon ordinateur. Comme si rien n'était arrivé. Oui, c'est vrai, je n'ai presque pas vu la mer à La Rochelle, mais j'ai vu l'immense série de Fassbinder "Berlin Alexanderplatz" - une invitation vers la capitale allemande tant désirée ? Sans doute car un voyage en appelle un autre qui en appelle un autre qui en appelle un autre qui... Fuir là-bas fuir, et se trouver si bien dans ce glissement du corps vers l'ailleurs...

mardi 26 juin 2007

contre les garçons


Pourquoi s'infliger cette terrible déception ? Pourquoi avoir voulu y croire ? Se voir un dimanche soir au milieu d'une foule, attendre qu'il soit libre, le regarder se perdre et me perdre. Il revient, nous partons, une heure ensemble avant son prochain rendez-vous. Il trouve que mon sourire est ironique. Il ne m'avait donc jamais vraiment regardé. Il me trouve dur, il ne m'a jamais vraiment écouté, et s'il savait comme je suis gentil et comme je me retiens... Alors oui, je souris, encore, ironique. Sur le chemin du retour, je suis au bord de pleurer, je rentre tristement et je lui en veux de cette tristesse inutile. Pourtant, cette semaine, en son absence, je l'ai oublié. Oui, oublié, le doux M. J'ai même passé d'idylliques moments avec Y., toujours si désirant et bon amant au moment où il sent que mon coeur pourrait basculer ailleurs (mais jamais totalement).

Pourquoi aimer M. alors qu'il ne sera de toute évidence jamais à la hauteur - un demi-mondain qui s'habille comme un adolescent et envoie des textos en langage codé ? Et puis merde, qu'est-ce qu'ils ont tous à être lâches, les garçons ? Est-ce programmer pour décevoir, un garçon ? Pourtant, avec lui, je n'ai pas été pénible, je ne lui ai pas couru après, je ne l'ai pas abreuvé de gentils messages et je n'ai pas attendu qu'il revienne, enfin si j'ai attendu mais sagement... C'est lui qui m'a dragué, qui est venu me chercher, qui m'a embrassé, qui a voulu m'emmener chez lui, c'est lui qui n'a pas cessé de me faire des promesses - auxquelles je n'ai heureusement pas cru - et c'est lui qui m'a fait donné ce rendez-vous hier, qu'il a de nouveau annulé... Alors quoi ? S'il ne m'aime pas, pourquoi ne pas me le dire ? Pourquoi fuir ? Ai-je seulement envie de recoucher avec lui ? N'est-il pas déjà un ami pour moi ? Moi qui voulais en faire un frère... Comme il est lâche ! Et je revois en lui ces garçons qui passent et qu'on oublie, et je ne veux pas oublier...

Et pourtant. Toujours. J'aime le corps des garçons, le sexe, le cou, les fesses, les lèvres, les cuisses, le bas du dos, les épaules, l'odeur, la voix, la poitrine, la démarche, la barbe, les mains, la nuque, le sourire, le front, le ventre, les pieds... J'aime les garçons, mais que diable, un peu de fougue, de lyrisme, de folie, de tendresse, et surtout, surtout, pour que je puisse continuer à les aimer longtemps: de noblesse !

vendredi 15 juin 2007

tristesse du soir qui tombe


Je suis allé, comme un idiot, sur le lieu de travail de M. qui ne m'avait pas donné de nouvelles depuis plusieurs jours malgré notre rendez-vous malencontreusement fixé à aujourd'hui ou bien demain (terrible erreur que cet incertain "ou bien"). J'avais assez à faire dans le quartier pour ne pas manquer sa sortie. Je me suis installé à un café à l'angle avec une amie, amusée par mes regards qui passaient par-dessus son épaule. J'étais fébrile, mes ganglions au fond de la gorge semblaient s'être réveillés. Finalement, elle partit et j'attendis encore un peu, hésitant entre un cinéma et une attente ridicule et peut-être même stérile. Je m'étais presque décidé pour le cinéma quand je le vis, peut-être. Peut-être car je vis sortir de son bureau un jeune homme qui aurait pu être lui. Je remarquais essentiellement ses baskets d'un jaune poussin que je pouvais suivre aisément du regard. L'émotion avait embué mes yeux d'un barrage de flou. C'était cette heure d'un jour gris, à la fois trop sombre et trop lumineuse, pendant laquelle, malgré mes corrections, j'étais proprement aveugle. J'ai pu, tout de même, suivre les baskets jaunes qui s'arrêtèrent pour parler avec des talons hauts. M'a-t-il vu ? Il était presque tourné vers moi - il aurait dû me voir. Mais je ne crois pas non. J'étais bien habillé pour faire plus vieux - pour lui plaire - et de loin il ne pouvait imaginer que ce jeune homme qui faisait semblant d'être au téléphone était celui-là même avec qui il partagageait (?) une amitié amoureuse (??). Et était-ce seulement lui ? Si je suis si peu sûr de son identité alors que je l'attendais comment aurait-il pu me reconnaître sans s'attendre à me voir ?

Un ami qui allait voir le même film me sortit de mes interrogations douloureuses. Celui-là même qui m'avait écrit une lettre il y a quelques jours. L'ironie de la situation ne m'échappa pas : je restais avec celui qui me désirait tout en regardant partir celui que je désirais. Mon ami étant plutôt en forme et le film d'un noir et blanc sublime, mes pensées s'apaisèrent, s'éloignant peu à peu de leur objet douloureux. Pourtant, lorsque deux heures plus tard, je sortis du métro et qu'il faisait presque nuit mais encore jour, la douceur soudaine du temps, la beauté de la lumière me donnèrent envie de pleurer. Je pensais à M. qui m'abandonnait et à la cruauté du temps qui passe : bien sûr, je l'oublierai, mais c'est justement cela que je ne voulais pas. Je voulais encore penser à lui, le trouver beau et intelligent, généreux et amical, sensuel et attentionné. Avec lui, je voulais d'un sentiment moins fort peut-être, mais tellement plus durable...

mercredi 13 juin 2007

de la douleur d'etre désiré


"Depuis des mois, mon désir pour toi montait sans cesse, et en mars j'ai vraiment cru que nous étions au bord de manifester l'un pour l'autre de la tendresse physique. (...) J'ai vraiment cru - ris si tu veux - qu'il y avait de ta part un assentiment."

Voilà un extrait d'une lettre que m'a envoyée un ami vieux de 10 ans, et que je considérais comme ma relation la plus pure, la plus éloignée de l'idée même de désir. Comment dire à quelqu'un que le désir est pour moi une façon d'aborder les gens et qu'il n'est jamais venu après ? Comment dire à quelqu'un que la relation qu'il a fantasmée n'exite pas, et que pour moi il n'y a jamais eu l'ombre d'un doute ? ô combien je préfère désirer qu'être désiré, combien ce mouvement infini vers l'autre me convient, et pas son envers...

dimanche 10 juin 2007

flux et reflux


Dans un élan soudain, j'ai supprimé tous mes profils des sites gay - au nombre de trois quand même. Trop banale hystérie homosexuelle sans doute, et pourtant ce geste n'était pas causé par une colère mais plutôt par l'ennui. Le rêve que je projetais dans ces rencontres imaginaires n'est plus. Mes messages sont devenus de plus en plus parodiques, mon coeur de moins en moins battant. Il ne me restait qu'à partir. Mes nombreuses rencontres récentes y sont pour beaucoup. Le destin, malin, comme à chaque fois que je renonce à conquérir, met devant mes yeux (et dans mes pattes) les garçons les plus charmants et les plus intéressants. Mais comment avoir envie de rencontrer toujours plus de garçons quand on n'arrive pas à profiter de ceux qu'on a ? Une fois pour toutes, j'aime vivre chaque rencontre pleinement, comme une vie entière à elle toute seule.

Quelques retours. Un message de Max, un autre de mon cher et sensuel Catalan, J. enfin qui revient bien décidé à jouer avec le feu. A., auquel j'avais renoncé, s'est invité chez moi, organisant nos retrouvailles en grande pompe. Pourtant, en préparant mon premier boeuf stroganoff - qui s'est avéré délicieux - ce n'était pas à lui que je pensais mais à cet autre garçon qui m'avait bouleversé quelques jours plus tôt et que je regrettais de ne pas voir ce soir-là, n'ayant osé annuler le dîner qu'A. attendait avec impatience... J'ai donc revêtu mon teint le plus amical pour l'accueillir. Après dîner, il a tenu à regarder un film que je connaissais par coeur pour que je puisse m'endormir sur son épaule - désormais un rituel. Variante : il s'était cette fois-ci mis torse nu, si bien que je sentais intensément son parfum ambré, et m'étalais sur sa peau douce avec une ferveur retrouvée. Surpris par sa sensualité nouvelle, je me suis laissé aller pendant la nuit à trouver son contact agréable, voire irrésistible. Je tenais toutefois le bas de mon corps à une distance réglementaire afin qu'il ne sentisse pas les effets de sa peau sur la mienne. Puis par provocation, d'un coup, je me suis collé à lui. Au lieu de me rejeter, il s'est soudain retourné, si près... Mes lèvres au bord des siennes n'ont connu aucun barrage. Et nous nous embrassâmes, et nous nous collèrent, et nous nous caressèrent, et pourtant lorsque je mis ma main sur son caleçon qui tenait son sexe généreux, il s'éloigna. Ce fut alors un jeu de touche-moi, ne me touche pas, dont lui seul et les adolescents de 15 ans ont encore le secret. Plus tard, il me glissa à l'oreille : il ne faut pas, j'ai trop peur de tomber amoureux. Son excuse, romantique, combla mes attentes, et je fus même presque content de renoncer à un corps pourtant si désiré il y a encore quelques semaines. De cette esquisse d'acte d'amour, je tire finalement plus de satisfactions que de frustration : 1. la beauté d'un instant non vécu est inégalable, 2. j'ai pu rassurer P. admirateur de la beauté d'A. et qui, perfide, me disait qu'il n'osait pas coucher avec moi car il avait un problème sexuel (il bande et n'a pas un micro-pénis), 3. A. a avoué qu'il me désirait ("J'en ai autant envie que toi..."), mon orgueil est donc sauf, 4. je n'étais pas si frustré parce que je venais de rencontrer M. et que j'ai vécu ce non-acte comme une fidélité précoce (car oui, j'aime être fidèle à mes amants, à ma manière).

Deux jours plus tard, je vivais donc ma soirée avec M. Il y a des gens qu'on connaît à peine et avec qui on est immédiatement bien. La simple présence de M., sa voix, son regard, me calment. Avec lui, je ne suis même pas séducteur, je le regarde et l'écoute comme un enfant admirant son grand frère. Oui, c'est cela, il est le grand frère dont j'ai toujours rêvé (le sexe en plus). Après un verre et un dîner entrecoupés de promenades dans le 18e, juste après l'amour, il me montra la fin de "Simone Barbès ou la vertu" et je sus que je l'aimerais vraiment beaucoup. Ironiquement, Simone ne couchait pas avec son client mais parlait dans une voiture qui traversait la nuit. J'avais très envie de partir avec lui à cet instant. N'importe où, mais avec lui. Notre deuxième nuit fut marquée par le choix d'un film au titre éloquent : le beau "Veillée d'amour" ("When tomorrow comes"). Ironique aussi parce que c'était cette fois mon tour de servir d'épaule à mon amant endormi. Perturbé par ma patience et aussi parce que je suis son premier homme plus jeune, M. a décidé il y a quelques jours de retrouver son vieil amant marié avec qui rien ne va plus - puis sa solitude. Loin de le prendre pour un revers, j'en profite pour moi aussi regagner mes quartiers : Y., chez moi, mes amis... Je revis lentement et ai envie de lui dire qu'avec lui je suis d'accord pour tout : je veux bien être son amant, son fils, son père, son frère, son mari, son ami, tant que ses yeux ne se départissent pas de leur tendresse et de leur éclat quand ils se tournent ainsi lentement vers moi...

mardi 5 juin 2007

dialectique amoureuse


"Oui. Salut c'est M.
Bah, écoute euh euh... juste euh... quelques petits trucs, une bonne soirée, t'embrasser. Bon, je vais aller voir des films à la cinémathèque donc je vais pas être très très joignable.
Et bah, écoute, rien de particulier euh... je pensais à cette jolie soirée un peu décalée, un peu... Voilà. Avec beaucoup de plaisir et et... tac tac tac...
Et ben écoute, on se rappelle... C'est toujours pareil, j'ai des semaines qui se chargent à vue d'oeil entre le boulot, les amis que je dois voir, mais ça me ferait plaisir de te voir, de se retrouver, si tu veux, un de ces... un de ces quatre...
Bon, bah, sinon je t'embrasse, à bientôt..."

jeudi 31 mai 2007

pas sur la bouche


Nous ne le savons pas encore mais tout se passera dans la chambre. Première soirée depuis mon retour de Cannes, je suis fatigué, mal à l'aise - ces inconnus qui se connaissent si bien entre eux. Je me réfugie d'abord dans la cuisine, vite envahie, et puis dans la chambre des manteaux, un îlot préservé. Après quelques discussions plus intimes avec trois, quatre personnes, il reste avec moi, seul. On aurait pu se croiser mille fois, mais non, ce soir, c'est la première fois.

Une heure passe, des manteaux repris, d'autres déposés. Tout est flou sauf son sourire malin. Je suis dans le noir et je me laisse guider par sa voix, par la lueur de son regard posé sur moi.

Plus tard, de retour parmi la foule, j'ai bu et tout est plus facile. Je parle avec un groupe, lui avec un autre plus loin, mais il me tient toujours par le fil de son regard. Il doit partir. Je l'accompagne dans la chambre, manière si transparente de lui céder. Nous nous regardons, il demande mon numéro, il m'embrasse sur la joue, il hésite à partir, il m'embrasse à nouveau la joue - mais si près des lèvres -, il doit partir, son regard me brûle - je souris de ce feu enfin ravivé. Va-t'en, va-t'en, je n'ose pas ajouter : avant qu'il soit trop tard. Mais peut-être l'entend-il puiqu'il m'arrache un baiser - du bout des lèvres. Après son départ, son sourire reste accroché sur le mien. Oh oui, pars, pars, que je puisse t'aimer encore longtemps.

samedi 26 mai 2007

à la surface


Train, hôtel, film, foule, alcool, film, sortir, villa, plage, petit matin, marcher, courir, bus, film, manger, film, dormir, alcool, etc. Flou, grand flou. Un îlot perdu loin de la linéarité de la vie parisienne, le temps volé au temps lui-même pour ces quelques jours à Cannes - 9 jours, une éternité. Se nourrir de champagne, souvent. Minauder bien sûr beaucoup. Fatigue, grande fatigue. La foule mercantile, la vulgarité du Sud et du monde entier dans une seule salle, une agression. Heureusement, j'aurais croisé pas mal d'amis et vu quelques beaux films.

Se souvenir.

Les scènes de sexe incroyablement drôles d'un film venu de Singapour (Pleasure factory).
La beauté de Lumière silencieuse de Reygadas. La caméra s'approche des visages et ressuscite les morts (premier plan : le lever du soleil en 7 minutes).
Le noir et banc du virtuose Homme de Londres de Béla Tarr.
Le grain, la caméra à l'affût des émotions sur le visage d'un enfant sans père dans le Tehilim de Nadjari.
La grâce du montage du nouveau Gus Van Sant (Paranoïd park) et ce plan sur les cheveux d'un adolescent coupable qui illuminent littéralement le spectateur - ou comment la psychologie est montrée de façon purement minérale.
L'émotion d'un James Gray, qui semble, comme tous ses films, écrit pour moi (We Own the night) : un polar sublimée en tragédie grecque, un film d'amour entre frères.

mercredi 16 mai 2007

la naissance des dieux


Nous marchons côte à côte pour la première fois. Il parle beaucoup. Il ne me regarde pas vraiment. Moi non plus.

Dans ce café près de Beaubourg, nous nous asseyons face à face. D'un coup, son regard, marron et profond. Je m'y noie. Au lieu de le trouver charmant, pour la première fois, je le trouve beau, d'une beauté inouïe.

Nous nous séparons pour la première fois. Gênés, nous ne savons pas faire. Il me regarde, je baisse les yeux - va-t-il me proposer un dîner, de le suivre ? Je le regarde, il baisse les yeux - vais-je lui proposer de dîner, de me suivre ? Nous partons, lentement, en nous retournant, en nous souriant, en ne nous disant rien, et puis si, il faut se revoir vite, parce qu'il est Catalan et qu'il rentre chez lui dans trois jours. Nous esquissons un "à demain" qui résonne tendrement. Comme une promesse.

Téméraire, je l'invite cette fois à dîner chez moi. J'ai honte, je sens qu'il pourrait se passer quelque chose, j'essaie de trouver un chaperon, sans succès. C'est que je tiens à ma fidélité nouvelle. Que seraient ces deux mois d'abstinence durement conquise, ces deux mois de refus de séduire et de se donner ? Je suis toujours effrayé devant l'absence de nécessité. J'ai l'impression que je pourrais coucher avec lui, ou pas. Alors je ne veux pas. Mais il me plaît.

Il entre chez moi. Il furète partout, sort les livres, les DVD, en déduit que j'aime Fassbinder - il en a vu un. Je me rappelle alors cette conversation avec P. qui me parlait d'un garçon qui me "plairait à mort mais qui n'a sans doute jamais entendu le nom de Fassbinder" ; je lui avais répondu : alors il ne me plairait pas tant que ça. Je souris devant la remarque de mon invité catalan. Il ne le sait pas mais il vient de passer une porte. Le temps passe, léger, il parle avec une loquacité peu commune pour un étranger. C'est qu'il parle sept langues, dont le Japonais, qu'il a vu et vécu tant de choses - il m'impressionne. Mieux : j'aurais pu l'inventer, l'écrire. Et puis ce n'est pas tant son don que sa façon de parler, faite de petites expressions si françaises qui me font oublier qu'il ne l'est pas, des expressions que j'affectionne et que j'entends rarement, si ce n'est dans ma propre bouche. Il parle de lui, me pose des questions, animé par une curiosité dévorante. Il est infiniment séduisant. Il passe une deuxième porte.

Je reviens de la cusine et le trouve à demi alangui sur mon canapé. Je m'assois par terre à quelques dizaines de centimètres de son visage. Il regarde un film sur le Japon que je lui ai proposé, et moi je le regarde. Il n'a pas voulu sortir tout à l'heure, voir des amis. Il ne dit jamais les choses directement, il a juste dit non à tout ce qui n'était pas rester là, seul avec moi. Nous allons nous embrasser, la ligne est toute tracée. Alors nous jouons à ne pas le faire. Il me regarde droit - une invitation - mais je ne cède pas. Je suis si bien dans cet instant du juste avant, un instant qui prend un malin plaisir à durer, à ne surtout pas s'achever.

Finalement, oui, je l'embrasse. C'est toujours moi qui embrasse. Je dois faire un peu peur aux garçons. Je l'embrasse doucement, très doucement. Il faut profiter de chaque frémissement. La première fois que je sens son souffle, la première fois que nos lèvres s'effleurent, entrent en contact, puis cette humidité nouvelle, fraîche, sur la peau brûlante. Le temps s'arrête. Le temps n'existe plus. Il n'y a plus que deux âmes, à la lueur d'une bougie et d'une télévision encore allumée, qui se croisent, se cognent délicatement. Depuis qu'il est entré tout à l'heure, plus aucune question, plus aucun doute. Tout est gracieux, donc beau, donc nécessaire.

Nous avons mis longtemps à nous déshabiller. Très longtemps. Il a embrassé chaque parcelle de ma peau. Et moi, sous ses baisers, je retrouvais des sensations oubliées. Tout remontait à la surface, à la surface de ma peau. Un lent et long orgasme de près de quatre heures, voilà ce qu'aura été cette première nuit ensemble. D'une main douce, il m'allonge sur le ventre. Il me lèche les pieds. Les genoux. Il caresse mes mollets, mes cuisses. Déjà, je ne sais plus où je suis. Tout est différent. Je regarde la lumière de la flamme devant moi. Et cette sensation qui remonte le long de mon corps. Mon dos, ma nuque, mon dos, mes fesses. Il me dévore entièrement. Je ne pense plus à rien. Je le touche moi aussi. Son ventre, ses poils, ses tétons. Je les mordille et les lèche. Il a encore son slip noir. Mes lèvres le contournent - et son sexe, que je sens pour la première fois, humide, brûlant. Je ne tarderai pas à le libérer, à le prendre dans ma bouche. Tout à coup, ému, j'enserre ma main autour de ce sexe ferme et droit et je remonte jusqu'à sa bouche pour l'embrasser, l'embrasser, l'embrasser. Je m'arrête et éloigne mon visage juste assez pour le regarder vraiment, ma main est immobile, mon regard dans le sien. Un instant. Nous ne disons rien, nous nous contemplons, nous nous contemplons en train de nous aimer. Je suis submergé par une vague nouvelle, j'ai envie de pleurer, il le voit peut-être, lui aussi il a les yeux humides. Plus tard, encore, après bien des caresses, des rires, des baisers, nous nous regarderons encore ainsi, plusieurs fois, dans le silence de l'amour. Comme dans un film de Gus Van Sant, nous prenons involontairement des poses, figés pour l'éternité dans cet instant de l'amour physique.

Quand je suis entré en lui, il n'y avait plus aucune barrière entre nous. Celle du préservatif n'en était même pas une à mon plaisir. Il m'a demandé de rentrer complètement et de rester là, comme ça, un moment. Il y a quelque chose de sacré dans cet acte-là, dans ce plaisir qui nous dépasse. En lui, je ne me sentais pas comme un animal, mais plutôt comme un dieu. Oui nous étions deux divinités sur le Mont Olympe, un désert d'hommes et de pensées, il n'y avait plus que nos deux corps à jamais réunis. Je l'ai pris longtemps, mon plaisir ne comptait pas vraiment, je ne voulais pas lui faire mal, alors j'allais très lentement, j'ai attendu qu'il me demande. Plus profond, plus vite. J'entendais son souffle, ses gémissements légers et réguliers, je sentais sa sueur monter sous mes mouvements. Je cherchais son regard, marron et profond, celui dont j'étais tombé amoureux la veille. Ce regard, il était planté sur moi, ou plutôt il m'enveloppait, comme une douce certitude. Finalement, derrière lui, je me suis collé à son dos, moite, pour lui dire, en me baissant vers son oreille, comme une morsure : je vais jouir. J'aurais pu lui dire que je l'aimais avec la même voix, le même ton. D'un clignement d'oeil, il me dit que lui aussi. Et nous jouissons. En même temps.

J'ai tout oublié, tout. Nous sommes allongés et nus côte à côte encore enlacés. Je me souviens avoir retiré un préservatif blanchi par le plaisir et l'avoir posé par terre dans un kleenex. Mais je ne me souviens plus comment j'ai atterri là, couché si près de lui, sentant son odeur et son souffle. Je suis bien. Je ferme les yeux, tout est blanc. Bientôt, il ne sera plus là. Il rentrera chez lui, loin. Mais je n'y pense pas. D'ailleurs, je ne pense pas du tout, je ne suis qu'un corps battant, le mien ou le sien, je ne sais plus, ou quelque chose entre les deux, dans l'interstice entre sa cuisse et ma taille, entre mon front et sa main. Bientôt, il ne sera plus là. Il rentrera chez lui, loin. Qu'importe puisqu'il est là, d'une présence évidente, émouvante. C'est sous la douche un peu plus tard que je comprends pourquoi j'ai tant voulu ne plus coucher avec des garçons, et pourquoi j'ai couché avec celui-ci, mon ange, mon amour. C'est sous la douche que je vois la grâce de l'eau qui coule sur son front, son torse, son sexe. C'est sous la douche que je sens que je suis différent d'avant, d'hier - et si je suis différent, c'est que quelque chose a existé, que quelque chose existe. Des larmes inondent mes joues, je brandis le pommeau pour les noyer dans l'océan de l'eau qui coule, comme une dernière pudeur, pour ne pas lui montrer que je pleure de joie. Et puis si, je lui montre, que je pleure, que je l'aime, et je l'embrasse encore, brûlant. Je l'embrasse et renais sous ses baisers - l'eau qui coule et se perd sous nos pieds.

lundi 7 mai 2007

larmes éphémères et rage amère


Je n'ai pas ressenti le désespoir attendu. Au contraire, une forme de rage, de celle qui vous pousse à avancer. Le doute, si faible fut-il, était plus douloureux que la certitude. A présent, je suis libéré et armé. Quelque chose d'inconnu en moi a décidé de profiter comme s'il n'y avait pas de lendemain... Bien sûr, ce bouclier n'a qu'un temps mais, oserais-je le dire, quelle jubilation dans cette rage nouvelle et frondeuse.

I like the peace in the backseat, I don't have to drive, I don't have to speak, I can watch the country side and I can fall asleep.

Ai travaillé jusqu'à trois heures vingt, ai lu un demi scénario en anglais, ai bu du saint émilion 1994, ai acheté quatre CD - un vieux Belle and Sebastian, une résurrection d'Elliot Smith, les Artic Monkeys et Arcade Fire - que j'écoute là maintenant, ai acheté deux livres, ai mangé en neuf minutes, répondu à tous mes mails professionnels, me suis masturbé trois fois, lu à toute vitesse cent pages du nouveau Edmund White - comme quand j'étais adolescent -, suis allé nagé quarante-cinq minutes dans une nouvelle piscine, une alcôve transparente dans un square, faire des courses au monoprix de luxe - celui où je me damne quand je déprime - ai cuisiné du poulet au gingembre et au citron. J'attends Y, là maintenant.

My family tree's loosing all its leaves, crashing towards the driver's seat, the lightening bolt made enough heat to melt the street beneath your feet. Alice died in the night, I've been learning to drive my whole life, I've been learning.

Ce matin le métro était un convoi funéraire. Les passagers de 11h étaient sombres comme le ciel. Moi je ne pensais déjà plus à la politique. Ou alors je faisais semblant de ne plus y penser. Je me concentrais sur la musique et revivais ma nuit avec A.

Something filled up my heart with nothing, someone told me not to cry. But now I'm older, my heart's colder, and I can see that it's lie.

Par provocation, j'avais enlevé mon t-shirt pour dormir, et comme la fois précédente, sur son épaule, je m'étais endormi devant le film que je ne revoyais que pour lui puisque je l'avais déjà visité plus de dix fois. Nos Années sauvages, la nuit du vendredi, c'était sur ton épaule. Plus tard, nos deux corps tendrement jouaient dans le lit à dessiner des figures inédites. C'est toi qui t'es collé à moi d'abord. C'est toi qui m'a pris la main. Et puis tu as bougé. Je me suis serré contre ton dos, j'ai senti fort ton odeur. J'ai rêvé que tu étais parti, je me suis réveillé, et tu étais toujours contre moi. Je n'ai pas cherché à avoir plus, je savais que tu ne voudrais pas, et rien n'est moins désirable qu'un garçon sans désir, alors j'essayais juste de cacher mon érection. Bander toute une nuit, ça fait un peu mal à la fin. Mais bon j'avais compris un peu plus tôt. Tu m'avais cité un extrait de Gide - que tu m'avais envoyé le premier jour, celui de notre rencontre - et tu m'avais dit ta peur des relations éphémères, que le sexe pouvait tout tuer, et que bien des fois tu aurais voulu laisser une chance à une histoire éteinte trop tôt par un échange physique.

I guess we'll just have to adjust. With lightening bolts a glowing I can see where I am going.

J'aimerais que A. me regarde avec l'amour dont il n'est pas capable. J'aimerais créer cela en lui. Orgueil, péché d'orgueil. Je n'ai pas encore souffert pour lui. Ce n'est pas tellement lui qui me trouble, c'est notre relation. Je n'arrive pas à la nommer. Alors chaque rencontre est une expérience, nouvelle et unique. Tourner autour d'un corps, d'un visage. Il aime mon sourire. C'est la seule chose qu'il m'ait donné. Répété. Presque à chaque fois. Aujourd'hui je n'ai pas souri. Je n'ai pas pleuré non plus - pourtant il y aurait de quoi. J'ai un peu écrit. Là, maintenant.

If you still want me, please forgive me, because the spark is not within me, it's not within me, it's not within me. You gotta be the one, you gotta be the way your name is the only word I can say.