vendredi 15 juin 2007

tristesse du soir qui tombe


Je suis allé, comme un idiot, sur le lieu de travail de M. qui ne m'avait pas donné de nouvelles depuis plusieurs jours malgré notre rendez-vous malencontreusement fixé à aujourd'hui ou bien demain (terrible erreur que cet incertain "ou bien"). J'avais assez à faire dans le quartier pour ne pas manquer sa sortie. Je me suis installé à un café à l'angle avec une amie, amusée par mes regards qui passaient par-dessus son épaule. J'étais fébrile, mes ganglions au fond de la gorge semblaient s'être réveillés. Finalement, elle partit et j'attendis encore un peu, hésitant entre un cinéma et une attente ridicule et peut-être même stérile. Je m'étais presque décidé pour le cinéma quand je le vis, peut-être. Peut-être car je vis sortir de son bureau un jeune homme qui aurait pu être lui. Je remarquais essentiellement ses baskets d'un jaune poussin que je pouvais suivre aisément du regard. L'émotion avait embué mes yeux d'un barrage de flou. C'était cette heure d'un jour gris, à la fois trop sombre et trop lumineuse, pendant laquelle, malgré mes corrections, j'étais proprement aveugle. J'ai pu, tout de même, suivre les baskets jaunes qui s'arrêtèrent pour parler avec des talons hauts. M'a-t-il vu ? Il était presque tourné vers moi - il aurait dû me voir. Mais je ne crois pas non. J'étais bien habillé pour faire plus vieux - pour lui plaire - et de loin il ne pouvait imaginer que ce jeune homme qui faisait semblant d'être au téléphone était celui-là même avec qui il partagageait (?) une amitié amoureuse (??). Et était-ce seulement lui ? Si je suis si peu sûr de son identité alors que je l'attendais comment aurait-il pu me reconnaître sans s'attendre à me voir ?

Un ami qui allait voir le même film me sortit de mes interrogations douloureuses. Celui-là même qui m'avait écrit une lettre il y a quelques jours. L'ironie de la situation ne m'échappa pas : je restais avec celui qui me désirait tout en regardant partir celui que je désirais. Mon ami étant plutôt en forme et le film d'un noir et blanc sublime, mes pensées s'apaisèrent, s'éloignant peu à peu de leur objet douloureux. Pourtant, lorsque deux heures plus tard, je sortis du métro et qu'il faisait presque nuit mais encore jour, la douceur soudaine du temps, la beauté de la lumière me donnèrent envie de pleurer. Je pensais à M. qui m'abandonnait et à la cruauté du temps qui passe : bien sûr, je l'oublierai, mais c'est justement cela que je ne voulais pas. Je voulais encore penser à lui, le trouver beau et intelligent, généreux et amical, sensuel et attentionné. Avec lui, je voulais d'un sentiment moins fort peut-être, mais tellement plus durable...

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