jeudi 20 septembre 2007

le refus


Cher J,

je suis très flatté de ton empressement, flatté autant que surpris puisque si tu étais si empressé, tu te serais tout de même manifesté durant ces presque trois semaines. Ce soir-là, au mariage, je t'ai trouvé, comme bien des fois, charmant. Tu m'as séduit parce que tu étais là, avec ta froideur apparente, tes anecdotes à n'en plus finir, ta maladresse enfin, oui, tu étais là devant moi inattendu et désirable. Je me suis donc laissé brûler par la fièvre qui animait tes yeux quand ils se tournaient vers moi - c'est du moins ce qu'il me semblait.

Dans ton mail, nulle fièvre, je ne lis que des injonctions. Je ne suis pas un personnage en quête d'auteur. Les romans, je les écris ; dans la vie, je préfère, ô combien, la surprise et la liberté - d'ailleurs, ne dit-on pas que les plus beaux personnages sont ceux qui restent libres et échappent à leur auteur... Alors, non, je n'entrerai pas dans la case un peu trop préméditée d'un emploi du temps tout fait, et oui, tu en trouveras d'autres qui joueront bien mieux que moi le rôle que tu as écrit pour eux. Je te le souhaite et t'embrasse tendrement.

...
(Le lendemain, après une réponse fleuve pétrie de désir, d'excuses et de nouvelles injonctions).

Cher J.,

je suis heureux de voir à quel point tu te donnes. Car, oui et je le
dis sans ironie, tu donnes beaucoup.

Tu donnes et tu prends, tu ne t'abandonnes pas. Tu as peur d'être
ridicule, ou pas peur, peu importe, mais sache que tu ne l'es pas. Tu
l'as peut-être été, ou sur le point de l'être, un jour tremblant sur
un banc devant la Cinémathèque. Sache que ce jour-là, j'aurais pu
t'aimer.

Mais en te relisant, je m'aperçois que le seul mot absent de ta
fougue, c'est celui-là même par lequel j'avais terminé mon précédent
message, celui de tendresse. Tu es un lion et je suis un papillon,
nous ne jouons définitivement pas dans la même cour. Tu m'offres un
amour tragique, un sexe violent et, encore une fois, un programme à
remplir... mais moi j'aime l'amour léger, le sexe ludique et la grâce
muette d'un échange véritable. Alors, c'est vrai, nous nous sommes
croisés et nous n'aurions pas dû. Avoir lutté contre cette impossibilité, je trouve que c'est déjà beaucoup et je le garde avec moi comme un secret. Car je ne peux pas me donner à toi, de même que tu ne peux pas t'abandonner, parce que je ne sais pas, parce que tu ne sais pas. Tes lèvres ont le goût de soufre. Tes ailes me font saigner. Et moi, non, je ne veux pas brûler.

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