mardi 14 août 2007

le feu sacré


Hier, j'ai fait l'amour trois fois, avec trois garçons différents.

J'ai dit "Viens" à mon Italien en transit à Milan, et il est venu. Une semaine après notre rencontre impromptue, il était là, dans mes bras, à Paris. Nous n'avions qu'un week-end pour nous connaître, alors il fallait faire vite, très vite. Aller au cinéma et au musée, parler - beaucoup - lui faire à manger (au moins un boeuf Stroganoff et un tiramisu), et faire l'amour, bien sûr. Apprendre par coeur chaque millimètre de sa peau, caresser ses cicatrices, se souvenir du goût de sa langue, de son sexe, s'imprégner de son odeur. Parfois, sa fierté italienne m'amusait, il prenait mal mon ironie française, et puis quand je boudais, venait me couvrir de baisers. Le dernier jour, dans un souffle il s'est serré contre moi, a susuré un "Je t'aime" si doux et si faible que le moindre frémissement de vent par la fenêtre, le moindre pas sur le plancher du dessus aurait pu le recouvrir. La dernière fois que nous avons fait l'amour, il s'est mis à pleurer, des sanglots entrecoupés d'excuses ("Je ne suis pas comme ça d'habitude"). Je n'ai rien dit. Je l'ai juste serré plus fort, et à mon tour, je l'ai couvert de baisers ; et puis, j'ai bu ses larmes. Quand il est parti ce matin-là, je l'ai regardé s'éloigner encadré par la vitre sale du RER qui le conduisait à son avion. Je suis sorti de la Gare du Nord et j'ai marché, marché, marché.

J'ai nagé, nagé, nagé. Ma tête était vide, j'étais content de ne penser à rien. Quand je suis sorti de la piscine, je savais que je retrouverais ma chambre blanche et qu'il ne serait plus là. Je ne voulais pas être surpris par une douleur inattendue alors j'avais fait le ménage, changé les draps - tout faire pour ne pas me complaire dans son absence. Quand je suis sorti de la piscine, j'avais un message. Ce n'était pas encore le sien, qui arriverait plus tard, dans la soirée, c'était celui d'un ancien ami-amant, un Brésilien avec qui j'avais beaucoup partagé il y a 9 mois et qui était de retour à Paris pour quelques jours. Il est immédiatement venu chez moi, s'est assis sur mon canapé, m'a confié la cause de son long séjour au Brésil - la mort de son père. Tout en me parlant, il me tenait les mains. Notre complicité physique était évidente dès la première rencontre, et sa sensualité me faisait toujours le même effet, un lent et irrésistible glissement. C'est naturellement que notre verve, nos confidences se changèrent en baisers, en morsures. Nous fîmes l'amour longtemps, comme si c'était la première fois. Je notais secrètement les petites différences de son corps avec le corps de mon souvenir, son ventre moins parfaitement tendu, son torse plus poilu, son sexe plus large. Pendant les heures que dura cet amour, nous n'avions pas prononcé un seul mot. C'est tout aussi naturellement que la jouissance mit fin à nos silences et que, sous la douche, je le retrouvais volubile, tel que je l'avais toujours connu. Sur le pas de la porte, nous échangeons un dernier baiser, nous promettant de nous revoir en septembre et nous partons tous les deux rejoindre notre vie, le réel.

Mon réel, c'était un film d'Oshima avec Julien - le bien nommé Les Plaisirs de la chair. Julien n'est pas beau, il n'est même pas mon genre, et pourtant je me sens attaché à lui par un lien presque animal. Peut-être est-ce sa voix suave, inégalable. Souvent au téléphone, je fais durer la conversation, l'encourage à continuer juste pour entendre le son de sa voix un peu plus longtemps. Je n'imagine jamais que je referai l'amour avec lui et, à chaque fois, je suis comme débordé par une force, peut-être son désir à lui, peut-être mon propre corps surpris de ce qu'il découvre. Ce soir-là, après le film, après le dîner, nous avons dormi chez lui. Nous nous sommes embrassés voracement, déshabillés rapidement mais nous avons mis longtemps à jouir. Son sperme était le troisième que je recevais de la journée, pourtant ce fut comme une première fois. Je fus aussi étonné de jouir aussi fort après deux orgasmes aussi beaux et pleins que ceux qui l'avaient précédé. Après l'amour, je restais alangui sur le lit tandis qu'il se confiait en me caressant les cuisses. Je lui reprochais mollement d'avoir accueilli chez lui pendant plusieurs jours un ami qui ne le méritait pas et que lui-même ne respectait pas vraiment, à peine un ami en somme, jusqu'à ce qu'il m'avoue qu'il l'avait fait pour se sentir moins seul. Tu es si seul que ça ? Atrocement. J'approche la main de son visage pour le saisir. Qu'il sente une présence alliée. A cet instant, son regard est doux comme sa voix et je me plonge longtemps dans la contemplation de ce bleu si triste bien au-delà du beau et du laid. Je le soupçonne d'avoir laissé la fenêtre ouverte, cette nuit-là, pour que je sois obligé de me coller contre lui, ce que j'aurais de toute façon fait. Tard dans la nuit, nous nous sommes endormis comme un seul corps.

Hier, j'ai allumé trois cierges, brûlé trois fois dans l'église de l'amour. Oui, j'ai fait l'amour trois fois, avec trois garçons différents. Je les ai tous aimés.

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