lundi 16 avril 2007

la loi du désir


A. a dormi chez moi, avec moi, à moins d'un mètre de mon corps brûlant. Mon canapé-lit penchait inexorablement vers lui, à la fois offert et interdit. J'ai vu ses bras longilignes, la naissance des ses fesses, ses épaules larges mais peu épaisses, son caleçon moulant, j'ai senti son odeur, caressé ses cheveux, et il m'a même serré dans ses bras. Il avait chaud lui aussi. Pourtant, nous n'avons pas fait l'amour. Je n'arrive pas à me souvenir avoir dormi avec quelqu'un - un garçon, cela va de soi, parce que des filles, si beaucoup - sans avoir fait l'amour. J'étais plutôt fier de moi, même si je crois que c'est davantage sa sagesse qu'il faut vanter. Il est vrai cependant que j'avais quelques réserves puisqu'il est de droite, ce qui me pose un sérieux problème moral : faut-il résister à son désir quand il penche vers un sarkozyste ? A certaines minutes de certains jours, il m'arrive d'être naïf au point de croire que je pourrais le faire changer d'avis en m'offrant à lui, mais nous savons bien que c'est impossible...

Après deux jours d'amour avec mon mari retrouvé (ellipse : parce que, honnêtement, qui veut lire des histoires de couple heureux ?), je me réfugie en pleine chaleur dans une salle obscure devant un film érotique crypté. Je dois être le seul dans la salle à trouver ces dialogues profondément ironiques et tordants mais je jouis tranquillement (en esprit, hein) alors que devant moi un jeune homme à lunettes, l'air coincé mais assez sexy, sort de la salle le plus sérieusement du monde. Devant le MK2 Beaubourg, un trentenaire en débardeur me dévisage gentiment, ses bras sont nus et musclés. Dans le métro, un tout jeune homme à la barbe naissante s'essuie le visage en sueur avec son t-shirt en découvrant son ventre ferme et lisse. Je m'assois à côté de lui, son dos en avant en arrière, tandis qu'il lit un manga, va et vient contre mon bras laissé à l'abandon, à sa merci. Il sort précipitamment pour ne pas manquer sa sortie. La jeune femme face à moi lève son chapeau pour, peut-être, me regarder. La goutte de sueur sur sa joue ressemble à une larme. Il était un temps où je désirais les femmes. J'avais certes 8 ou 9 ans, mais je les désirais toutes. Je ne sais pas quand cela a changé. Je les imaginais alors nues contre moi, une à une. Très important le "une à une", car même aujourd'hui j'aimerais conserver l'odeur, la texture de la peau, la forme du sexe, le goût des lèvres des garçons contre qui je m'abandonne. J'aimerais partager avec tous les garçons, chaque garçon plutôt, dans son individualité, rien qu'une fois, la chaleur d'un après-midi estival. Mon humanisme (mysticisme ?) sexuel est heureusement aussi idéal que le paletot de Rimbaud. Je suis sagement assis chez moi, seul, et je repense à quelques oeillades échangées, à telle phrase de Lacan (le plaisir passe par les oreilles) et à ce film d'Oliveira vu ce matin... mais quand je ferme les yeux, le monde est un grand lit, chaque regard une caresse, et mon esprit jouit, ininterrompu... Hum... J'ai dû rester trop longtemps au soleil.

Aucun commentaire: